Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
88                        LÀ R E V U E       LYONNAISE

dispositions, qu'ils ne pourront prêter au-dessus de deux deniers
d'intérêt par livre et par semaine, qu'ils ne pourront forcer leurs
débiteurs à régler compte avant l'expiration d'un an, que tous les
actes de prêt seront assujettis au sceau, que deux prud'hommes
seront dans chaque ville préposés à la garde du scel, et qu'il est
interdit aux juifs de prêter sur des vases sacrés, des ornements
ecclésiastiques, des vêtements mouillés ou ensanglantés, afin
d'éviter que les meurtriers ne cachent, en les donnant en gage, les
produits et les témoignages de leur crime1. Cet édit, spécial à la
Champagne et au domaine royal, fut renouvelé en 1218, en
1223, en 1230. Dans le règlement de cette dernière année, saint
Louis déclara même, afin de généraliser la mesure, que ses troupes
contraindraient a l'exécuter tous les barons qui refuseraient de s'y
conformer.
   Le régime de la tolérance, inauguré par ces accommodements
successifs, ne fut pas de longue durée. Saint Louis préoccupé de
mettre ses actes de souverain en harmonie avec ses devoirs
d'obéissance à l'Église, qui prohibait le prêt à intérêt, invita tous
les juifs prêteurs d'argent à sortir de son royaume en 1268. Moins
 scrupuleux que lui, son successeur les laissa rentrer. Philippe le
Bel fut plus machiavélique encore. Après avoir, en 1299 et 1302,
frappé les juifs de taxes excessives, il enjoignit, en 1303, à ses
bailllis et sénéchaux de contraindre tous leurs débiteurs à leur
payer leurs dettes. A cette injonction inattendue, les israélites
crurent voir apparaître le Messie, mais leur joie fut de courte
 durée. Le rusé souverain n'avait voulu remplir leurs coffres qu'afin
 de mieux les vider. Trois ans après, un édit d'août 1306 leur
 enjoignit de quitter immédiatement le royaume. Leurs biens, meu-
 bles et immeubles, furent vendus aux enchères ; le roi fit main
 basse sur tout, même sur les contrats déposés chez les notaires.
 Cette exécution accomplie en même temps sur tous les points de
 la France eut un succès universel; les hauts vassaux profitèrent


  i Cette prohibition devint en quelque sorte de style, car on la retrouve dans un
diplôme de 1.388, donné par Weuceslas, roi des Romains, à un juif de Colrnar, et
dans les lettres de bourgeoisie accordées par la ville à celui-ci. (Mossmann, de l'épargne
au moyen âge, I^evue historique, 1879, p. 57.)