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408                      LA R E V U E   LYONNAISE

 devient serva padronee, et se venge sur lui-même des humilia-
tions qu'il lui inflige. Le génie demeure intact; l'âme n'est pas
plus atteinte que l'alcyon, lorsqu'il trempe le bout de ses ailes dans
une eau troublée par le vent des mers et le sable de la rive ; mais
la guenille s'abandonne aux hasards de la fantaisie et du plaisir,
d'autant plus exigeante qu'elle a été plus négligée. »
    Puis cet élan de sympathie pour Elysée Méraut des Rois en
exil.
    « Elysée Méraut! l'enfant du peuple, le légitimiste convaincu,
ardent, passionné, éloquent, type d'abnégation, de dévouement et
de courage , aimant la royauté pour elle-même, brûlant de tous les
feux et de tous les rayons de la Saint-Henri, issu de notre chère
bourgade nîmoise et se lançant à corps perdu dans le quartier La-
tin, sans y rien laisser entamer de sa foi monarchique ; aussi intact,
aussi pur dans ce fouillis d'étudiants et de soupeuses, dans ce
pandémonium de toutes les folies, de toutes les audaces et de
toutes les misères, que la fontaine Aréthuse traversant les flots
amers sans y rien perdre de sa limpidité et de sa douceur.4 »
    Et certes, M. A. Daudet enjambe bien quelquefois la barrière
 du réalisme ; mais il le fait si adroitement, il s'avance si peu, si
 peu, dans le domaine de M. Zola, flânant le long des haies, cueil-
lant des fleurettes sur la lisière, que M. de Pontmartin sourit et
 l'absout volontiers de ses peccadilles.
    Vous voyez donc bien que le vieux critique n'est pas aussi
 grincheux que ses ennemis veulent le dire. Pour en juger plus
 sûrement, vous n'avez d'ailleurs qu'à lire de ces historiettes qu'il
 se plaît à conter du fond de son fauteuil dans ses moments de
 franc parler et de bonne humeur. Car maintenant qu'il a déserlé
 Paris, que sa fenêtre ouvre non plus sur les hauteurs embrumées
 de Montmartre, mais sur les clairs paysages de son Comtat, que,
 seuls, la tramontane, soufflant dans les saulaies du Rhône, et le
 son grêle du galoubet viennent troubler ses méditatives soirées,
 que les causeries simples de Lubin ont succédé aux discussions
 pédantesques de Garitidès 2, que les veillées jaseuses de Colette

  1
      Nouveaux Samedis (XXe série), page 21,
  2
      Pseudonyme de Sainte-Beuve dans les Jeudis de Madame   Charbonneau.