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                   M. ARMAND DE P O N T M A R T I N                 407

 mort de Pascal en feignant une hypocrite religiosité. Le critique,
 après tout, n'est fait ni de bois ni de marbre, il éprouve des plaisirs
 et des déplaisirs, il a ses susceptibilités, ses aigreurs, ses boutades
 et ses colères, il peut aimer mieux le café noir que le thé jaune,
 la messe que le club, il peut avoir plus de goût pour sainte Thé-
 rèse que pour la Pompadour, il peut préférer le Roi à Monsieur
 et les Soirées de Saint-Pétersbourg h. celles... de Mèdan. Quoi
 d'étonnant alors que M. de Pontmartin fasse des partialités? S'il
 croit à quelque chose, pourquoi voulez-vous qu'il vante ceux qui
 ne croient à rien? Il est, lui, de ces fervents chrétiens qui ne peu-
 vent pas l'être sans le dire, de ces gentilshommes du Midi qui
 portent leur chapelet du côté où pend leur épée, et de ces « catho-
 liques d'Avignon » en qui les Papes ont laissé amers regrets et
 douce souvenance.
    Ne nous plaignons pas d'ailleurs trop haut de ses affections
vivaces et de ses haines vigoureuses. Elles lui inspirent parfois des
pages d'une éloquence chaude et colorée. Je n'en veux que
 deux exemples: cette magnifique page 1 où il regrette son illu-
sion envolée : Mozart, un artiste chrétien.
    « Un artiste chrétien ! Il serait si doux de croire qu'un pur gé-
nie est inséparable d'une vie pure, que les séraphins reconnaissent
leur frère en regardant comme en écoutant ! Par malheur, la sen-
sibilité souveraine au temps de Mozart, et dont son admirablo gé-
nie fut, pour ainsi dire, imprégné, ne va pas sans une surexci-
tation nerveuse, maladive, fébrile, passionnée, qui livre d'avance
l'artiste aux tentations multipliées sur son chemin. Au sortir de
ces heures de création ardente, souvent douloureuse, qui ont fait
vibrer tout son être etontrompu l'équilibre de ses facultés actives,
il subit un phénomène singulier. Sa volonté ou sa conscience, sa
force de volonté et sa raison sont frappées d'une sorte d'engourdisse-
ment, de torpeur, et, en même temps, ses nerfs appellent des sen-
sations plus vives, plus violentes,plus épicées,plusraffinéesque celles
qui suffisent au commun des hommes. On dirait que la réalité sen-
suelle dont il vient de triompher dans son Å“uvre et dont il a fait
l'humble servante de l'idéal, se hâte de prendre sa revanche, re-

 * Souvenirs d'un vieux critique, pages 37 et 38.