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LE DERNIER ROMAN DE M. DAUDET 329 drôle de pistolet, dont le profil, la démarche, le galbe ne crèvent- pas les yeux de tous. _ • • : . . Tous s'accorderont du moins pour louer M. Daudet du brio de son exécution. Le document humain a été mis largement à contri- bution dans ce curieux volume. Donnée discutable, mais l'épisode l'enjolive si proprement, qu'on écoute et qu'on se tait. Mieux que personne, l'auteur connaît son Paris et sa Provence. Désirez-vous du bruit, du soleil, un parler chaud, des gars brûlés et enthou- siastes? Faites-moi le plaisir d'assister à cette farandole, à ce bap- tême. Vous souhaitez une invitation à une fête officielle? M. Daudet, qui a été de la maison, sera votre guide. Il vous dira combien de bâillements Mozart et Beethoven font étouffer sous un éventail. Vous paraderez, un premier de l'an, devant un malheureux, aux épaules duquel le frac pèse d'une lourdeur de bât. Peut-être seriez- vous bien aise de goûter la "brandade ? La brandade est en dé- pôt non loin du boulevard de Sébastopol. Insistez, vous saurez la rue et l'adresse. M. Daudet passe une saison à Allevard. Il ren- contre dans le parc un monsieur qui promène sa réaction; vite une silhouette de ce grotesque. Avec l'homme de lettres, vous allez à la Chartreuse-Saint-Hugon,vous dégringolez en traîneau les pentes de Brame-Farine, et s'il ne compte pas les boutons de guêtre du guide qui pousse la machine, vous rendez grâce au ciel, car- M. Zola, aurait compté, lui. Enfin, le chantre de Numa fume une cigarette, au Skating, et, des matériaux qu'il ramasse là , il construit l'Eden idéal que le boulevard proposera peut-être au désœuvrement de votre soirée. Tout au plus les Lyonnaises hésiteront-elles à se reconnaître un teint blafard, resté sous l'eau ; mais elles songe-, ront que leur critique est affecté quelque peu de myopie. Elles penseront que M. Daudet n'a vu sans doute de près, à Lyon, que la marchande d'herbes, providence de ses déjeuners. Sous une plume habile, l'épisode est un moyen littéraire sérieux. Tout peintre collectionne des croquis. Avant de brosser la Smala, Horace Vernet dut dessiner des tentes et des chameaux, des fez études burnous. On ne saurait trop le crier aux naturalistes qui croient avoir créé le monde, leur procédé est aussi vieux que le déluge. Homère a vu les champs de la Troade. Virgile a navigué avec Palinure sur les côtes de l'Italie. Balzac a compté les écus