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BENOIT PONGET 801
Des plafonds sous lesquels le géant de Neuville se casserait la tête;
des escaliers de bois ou de marbre plaqué sur du bois, semblables
à des escaliers de restaurants ; des façades toutes sur le même
'modèle, où toutes les baies se touchent ; des murs de refend minces
•en morceaux de vieux bois et en plâtre, du carton-pierre à l'inté-
rieur, des dorures parfois à - l'extérieur, tout sent l'expédient, le
faux luxe. Au prix de ces maisons, nos « immeubles » de la rue
Impériale sont encore des monuments.
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La rue Impériale a aussi ses défauts particuliers, qui tiennent Ã
la direction de l'entreprise. Poncet avait des plus grandes qualités
nécessaires à une œuvre de ce genre; il ne les avait pas toutes.
11 avait une activité, une ténacité incomparables, mais peut-être eût-
il mieux valu que son rôle cessât avec l'expropriation. Il manquait
un peu d'esprit de suite et beaucoup de l'esprit froid et posé du
véritable homme d'affaires. Il quittait parfois une idée avec le même
enthousiasme qu'il l'avait prise. Il était « journalier », comme
on dit à Lyon et s'engouait quelquefois des gens pour, après, les
prendre en grippe. C'était peut-être moins une lacune de son juge-
ment, car il jugeait assez bien les hommes, qu'un défaut de son ca-
ractère. Pour la mêmepersonne, il était aujourd'hui sans courtoisie,
brutal, tout « cu-de-piau »; le lendemain toutprévenances, car il sa-
vait être charmant quand ilvoulait. Surtout il se laissait trop aller Ã
l'impression du moment. Un véritable homme d'affaires est toujours
le même. Il ne s'emporte jamais, d'abord parce qu'il sait que c'est
inutile.
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On venait « d'inventer » la pierre de Cruas, qui eut un moment
de vogue énorme. Poncet aurait voulu faire toutes ses maisons avec
cette pierre. Mais on n'en eût jamais fini. Il avait donc choisi pour
son emploi, celles dont l'étude lui plaisait le plus. Il en avait com-
mandé une entre autres, tout entière en Cruas. Voilà qu'un beau