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LE MARIAGE DE S É V E R I N E 181 souhaitez que les choses en restent où elles sont, et qu'on ne vous reparle jamais de lui, » M. Lefort fit signe que c'était bien sa pensée. « Je voudrais vous satisfaire, continua Glotilde, mais en vérité je ne le puis pas. Maurice d'Artannes est mon ami, j'ai pour sa personne une estime particulière; vous avez accueilli les premières ouvertures que je vous ai faites en son nom; afin de vous mettre au courant de tout ce qui le concerne, il m'a dévoilé aujourd'hui ses affaires les plus intimes. Et vous voudriez maintenant que tout cela fût considéré comme non avenu, que des espérances légitimement conçues fussent a jamais brisées, sans que vous disiez pourquoi? Voilà qui est impossible, Monsieur, j'en appelle à vous-même. — Glotilde, s'écria le banquier, je ne vous pardonnerai de ma vie d'avoir facilité les rencontres de Séverine avec Maurice d'Ar- tannes ! — Monsieur, dit Glotilde en se dressant de toute sa hauteur, le chagrin ou la colère vous égarent et vous oubliez à qui et de qui vous parlez. Je n'ai jamais dissimulé les fréquentes visites que j'avais l'honneur de recevoir de M, le comte d'Artannes, et, du jour où il m'a priée de vous demander votre fille, il ne l'a plus vue chez moi. J'ai pour Séverine les sentiments de la sœar la plus tendre, de. la mère la plus dévouée; aussi, avant que je parte, entendrez-vous ce que l'amitié que je lui porte et le soin de son bonheur me font un devoir de vous dire : Séverine aime M. d'Ar- tannes ; vous savez comme moi qu'elle n'est point fille à mal placer son affection, la conduite de M. d'Artannes se dépouillant en faveur d'une pauvre abandonnée le démontre suffisamment. Il vous faut, pour écarter M. d'Artannes, vous appuyer sur un motif de la plus haute gravité. Ce motif, nous avons, M. d'Artannes et moi, le droit de vous le demander. Vous réfléchirez, vous reconnaîtrez, je l'es- père, que cette prétention n'a rien d'exorbitant. » Et Clotilde se dirigea vers la porte. Le banquier la retint. « Pardon, ma chère amie, je n'ai pas été maître de moi tout à l'heure, pardon encore une fois!... Où allez-vous? Que comptez- vous dire à M. d'Artannes? — La vérité.. Je lui apprendrai, puis-je faire autrement?