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92                   LA REVUE LYONNAISE
pas. Vainement ai-je essayé de lire dans son cœur et d'y démêler
si quelque préférence ne dictait point ces refus dont je gémissais : je
n'ai rien pu découvrir. Il faut l'avouer, nous autres hommes nous
n'avons peut - être pas la main assez légère pour analyser sans les
froisser les sentiments intimes d'une jeune âme qui s'ignore encore
elle-même et ne se rend pas compte de ce qu'elle éprouve. Il faut
pour celal'adresse patiente et ingénieuse d'une mère, et ce n'est pas
moi, absorbé comme je le suis par mes travaux, qui peux y sup-
pléer. Aussi je viens à vous, ma chère Glotilde, pour vous prier de
faire comprendre à Séverine que son mariage serait un acte pieux
qui réjouirait ma vieillesse.
   — Je suis tout à votre disposition, répondit Mme Evrard; mais
enfin si Séverine se borne à demander du temps, je ne vois pas
pourquoi vous la contrarieriez ; rien ne presse et elle peut parfaite-
ment attendre six mois, un an, même plus si elle le préfère ainsi.
   — Au contraire, répondit le banquier, je voudrais qu'elle se
décidât le plus tôt possible. Je suis vieux, ma chère Glotilde, les
forces peuvent me manquer un jour où l'autre. Faut-il tout vous
dire? Cette idée que je puis alors laisser ma pauvre enfant seule,
sans soutien sur la terre, ne me laisse point de repos ; je donnerais
tout pour la voir, avant de m'en aller, s'appuyer, heureuse et
confiante, au bras d'un honnête homme. Ah ! si elle aime quelqu'un,
qu'elle s'ouvre à vous, puisqu'elle n'a jamais voulu s'ouvrir à moi,
et rien ne m'arrêtera pour lui donner le mari de son choix, si,
comme je n'en doute pas, il est digne d'elle. Dans le cas où elle
n'aimerait personne, usez de toute votre influence sur elle, ma
chère amie, pour lui faire envisager favorablement le parti que j'ai
à lui proposer.
   — Vous avez quelqu'un en vue?
   — Mon Dieu, voici ce dont il s'agit : depuis deux ans environ
travaille dans mes bureaux un jeune homme que vous avez ren-
contré à la maison, Fernand Chauret. C'est le fils du baron Ghau-
ret qui a occupé avant 1870 de hautes fonctions administratives;
ma cousine Lejarrois m'a demandé de l'employer chez moi, j ' y ai
consenti, ne comptant guère, je vous l'avoue, sur ses services ni
sur son assiduité. Eh bien ! figurez-vous que dès le premier jour il
a fait preuve d'une bonne volonté et d'une entente qui m'ont