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LE MARIAGE DE SEVERINE IV Clotilde sortait peu et s'arrangeait d'ailleurs pour être chez elle aux heures où pouvaient venir Maurice et Séverine. Eux seuls nous l'avons vu, avaient le privilège de toujours la trouver. Quant aux autres personnes qu'elle était en quelque sorte obligée de voir, elle leur eût dit au besoin comme la marquise à 'Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée : « Je suis chez moi le mardi; le reste du temps, laissez-moi tranquille. » Parmi celles-là était une parente éloignée de M. Lefort, Mme Lejarrois, sémillante veuve qui n'avait pas encore franchi le cap de la trentaine. Fille d'un petit commis de l'administration des finances, sabeauté et surtout ses allures un peu excentriques, de mode à cette époque dans un certain monde, lui avaient fait épouser à dix-sept ans un faiseur d'affaires de toute espèce qui avait plus du double de son âge. Cet honnête industriel mourut dans les derniers mois de 1870, laissant à sa femme une succession assez embrouillée, des créances plus ou moins faciles à recouvrer, mais de tout cela elle avait su tirer avec le temps une position très confortable qu'elle aurait bien volontiers partagée avec Maurice. Le titre de comtesse lui paraissait devoir lui aller à merveille. Glotilde avait fait comprendre à M. d'Artannes qu'il devait tant soit peu se montrer à son jour officiel, et celui-ci y avait fait, bien involontairement, la conquête de la jeune veuve; sur quoi Mme Evrard le plaisantait parfois au secret ennui de Séverine. Au premier rang des débiteurs en retard de la succession Lejar- rois, figurait le baron Ghauret, père du jeune homme que nous avons vu chez M. Lefort, qui, après avoir dévoré gaîment deux ou trois patrimoines, se trouvait absolument ruiné. Aussi la veuve ne comptait-elle nullement sur le baron, mais sur son fils pour rentrer dans la somme qui lui était due. Le jeune Fernand lui paraissait la plus solide comme la seule garantie qu'elle eût d'être jamais payée.