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LE MARIAGE DE 8 É V E R I N E 19 eut comme le pressentiment que tout était perdu ; il songea à faire son devoir et à sauver l'honneur. Pourvu d'un commande- ment à l'armée de l'Est, il offrit à son fils de le prendre à un titre quelconque dans son état-major, mais le jeune homme pré- féra s'engager purement et simplement dans un des régiments de ligne placés sous ses ordres. A l'une des premières affaires, le général d'Artannes tomba mor- tellement atteint d'un éclat d'obus ; il eut la consolation de voir son fils accourir à lui et le recevoir dans ses bras; il put lui dire quel- ques mots d'une voix déjà presque éteinte, et rendit le dernier sou- pir en lui adressant un regard de tendresse et de prière. L'histoire de Maurice fut alors celle de bien des infortunés; rejeté dans Metz, il assista à la lutte et à l'agonie de l'héroïque cité, il fut fait prisonnier avec tous ses compagnons d'armes, et moins heureux que certains d'entre eux, ne put réussir à s'échap- per. Au bout de longues journées de marche, où la faim, le froid et la fatigue n'étaient pas les plus cruelles souffrances, il fut interné en Styrie, et il y resta jusqu'à la fin de la guerre. De retour à Paris après les tristes événements de la Commune, son premier soin fut de débrouiller la successionde son père, ce qui n'était pas une mince besogne vu son inexpérience en pareille ma- tière et l'incurie du général qui sentait bien le désordre de ses affaires, mais remettait toujours à plus tard de s'en occuper. Mau- rice, dans le premier moment, fut comme attéré. Heureusement M. d'Artannes, amateur assez entendu, laissait une certaine quan- tité d'objets d'art, tableaux, bronzes, curiosités de toute espèce. Quoique le moment ne fût pas très favorable pour une vente, le produit suffit cependant à désintéresser la plupart des créanciers. Avec une vingtaine de mille francs, le tiers à peu près de la for- tune de sa mère, Maurice paya le reste. Cependant la nécessité exigeait impérieusement qu'il songeât à se créer des ressources : sa répugnance pour le métier insipide de pa- perassier, l'effroi que lui inspiraient les démarches indispensables pour arriver même au grade de surnuméraire, l'éloignaient de l'administration où son esprit frondeur et trop enclin à la critique ne voyait qu'une institution offrant, entre autres avantages, celui défaire promener six mois de bureaux en bureaux, une affaire qui