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H LA R E V U E LYONNAISE c'était le pendant "de l'Apothéose d'Homère, par Ingres; seule- ment Homère avait attendu la sienne pendant trois mille ans. Malgré, notra admiration sincère pour un écrivain si éminent, nous n'avons pas songé ici à manifester un tel lyrisme. Nous n'avons voulu que rappeler brièvement, que marquer clairement les points les plus saillants d'une carrière aussi longue que bril- lante. Gomme homme politique, il a constamment prêté le flanc à la controverse ; comme homme de lettres, violemment attaqué au début, il en est arrivé à désarmer la plupart de ses adversaires. Pour l'Europe, pour le monde entier, aussi bien que pour la France, ' il est resté le chef incontesté de l'école romantique, le grand nova- teur poétique du dix-neuvième siècle. Il a exhumé des ténèbres le moyen âge, dont on tant abusé depuis; à la correction artificielle des champions épuisés de la tradition classique il a substitué la chaleur et le mouvement. Il a élargi des règles trop étroites, répudié des conventions surannées, imprimé à l'esprit de ses con- temporains une impulsion vive et féconde. Mais il a parfois dépassé le but, et ses disciples, suivant l'usage, ont exagéré encore ses doc- trines, au point de confondre les conditions essentielles de l'art avec les procédés'arbitraires de telle ou telle secte littéraire, le b eau avec le laid, le sublime avec le monstrueux. Ce sont là des excès, dont Hugo a dû être déclaré responsable. Pour nous, nous n'avons dissimulé ni la versatilité de ses opinions et les faiblesses de son caractère ni les écarts de son imagination et les lacunes de son goût. Mais nous avons tâché d'apprécier avec modération, avec impartialité, l'élévation de son intelligence et * la légitimité de sa gloire. Victor Hugo aura pu être attaqué, com- battu, raillé même parles hommes de son temps. Mais la postérité, dégagée de nos intérêts et de nos passions, saura excuser ses erreurs et rendre justice à son génie. A. P H I L I B E R T - S O U P E , 1* r o f e s s e U r à la F a c u l t é d e s l e t t r e s .