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6 LA REVUE LYONNAISE Si Verdi, dans son •Rigoletto,' a transformé en opéra le Roi s'amuse d'Hugo, s'il a également exploité le sujet de son Her'na- ni, Donizetti a tiré aussi une œuvre lyrique de la Lucrèce Borgia de notre auteur," Ce drame en prose fut représenté en 1833 à la Porte-Saint-Martin, où on l'a repris, non sans succès, en février 1870, et dernièrement il attirait la foule à la Gaîté. Dans la nouveauté, Mlle Georges, Frederick Lemaître et Lockroy (le père du député actuel, de ce journaliste radical qui a épousé la veuve de Charles Hugo), s'y distinguèrent par leur jeu savant et énergi- que. Plusieurs scènes à effet et l'introduction finale de sept cer- cueils dans un festin où les convives étaient tous empoisonnés enlevèrent les suffrages des spectateurs. A l'heure où nous som- mes, il est de mode de chanter les louanges de l'intéressante fille d'Alexandre VI, et certains érudits italiens ou allemands ne sont pas très loin de demander sa canonisation. Au contraire, Victor Hugo se plut à résumer en elle bien des crimes et bien des igno- minies. Seulement sa passion insurmontable pour les antithèses, qui nous avait fait voir dans Hernani un grand seigneur converti en brigand, dans Marion Delorme une fille de joie remplie de l'af- fection la plus idéale, dans le Roi s'amuse un bouffon débordant de tendresse paternelle, l'amena à représenter à la fois sa Lucrèce comme le plus odieux des monstres et comme la plus dévouée des mères. C'est par un abus des mêmes procédés que deux autres drames en prose de sa façon, Marie Tudor (1833) et Angelo, tyran de Padoue (1835), mirent en scène, le premier, une reine violem- ment éprise d'un ouvrier ciseleur; le second, une femme de théâtre devenant la victime de son amour. Dans Marie Tudor à la Porte- Saint-Martin Mlle Georges et Lockroy, dans Angelo aux Français MUe Mars et Mme Dorval, puis M1Ie Rachel, imprimèrent un cachet remarquable à des rôles dont le tort du reste n'était pas de manquer de relief. En 1836, Hugo donna à l'Académie royale de-musique un opéra, la Esmeralda, qu'il avait tiré de son roman de Notre- Dame de Paris et dont la partition avait été écrite par son amie, Mlle Louise Bertin, fille du propriétaire des Débats. Mais il fut peu