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VI'GTORHUGO 3 les plaisanteries extravagantes des quatre bouffons du dictateur. Le poète n'était pas homme à se contenter d'un succès de lecture, et il songea à aborder de front les feux de la rampe. Il avait déjà composé, en cinq actes et en vers, un autre drame sur Marion Delorme, la fameuse courtisane du temps de Louis XIII : sous prétexte d'atteintes à la majesté royale, la censure de la Restau- ration avait arrêté la pièce. Mais, lue en petit comité, elle charma les initiés, et Alexandre Dumas (le père, bien entendu, dont le défaut pourtant n'était pas là modestie), en voyant se lever cet astre dramatique, s'écria familièrement entre amis :«Nous sommes tous flambés ! » Hugo se résigna en attendant une revanche qui ne devait pas tarder longtemps, et il se remit à l'oeuvre. De là , et en très peu de mois, sortit son Hernani, que les pro- testations de plusieurs académiciens, trop attachés aux doctrines de l'abbé d'Aubignac, essayèrent en vain d'entraver à son tour. Le roi Gharles X leur ayant répondu avec une spirituelle douceur qu'en pareil cas il ne se reconnaissait d'autre droit que de prendre sa place au parterre, l'ouvrage fut joué aux Français le 25 février 1830, cinq mois avant cette bienheurense révolution qui devait régénérer l'art en transformant la société, en affranchissant la pa- trie. Le jeune auteur pouvait craindre pour la réussite de son œuvre; mais il ne doutait point de la puissance de Son génie. MUe Mars, l'habile comédienne, qui s'était chargée, non sans hési- tation, du rôle de doila Sol, très éloigné de ses habitudes, s'étant permis de critiquer plusieurs de ses vers, il lui répliqua, à elle dont on n'osait guère contrecarrer les volontés : « Mademoiselle, vous oubliez à qui vous avez affaire. Vous avez un grand talent, je ne le nie pas ; mais j'ai un grand talent, moi aussi, et je mérite quelques égards.» Les septuagénaires d'aujourd'hui, imberbes alors, se rappellent la terrible bataille dont Hernani fut la cause ou le prétexter Théophile Gautier, Pétrus Borel, Gérard de Nerval, tous ces ënergumènes intelligents, à la chevelure désordonnée et au costume excentrique, y brisèrent les banquettes dans le pa- roxysme de leur enthousiasme. Ainsi qu'à la première représen-