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PRA SALIMBENE 347 qu'une idée très incomplète d'après l'édition de Parme, qui l'a con- sidérablement abrégée, et a particulièrement supprimé un certain nombre d'anecdotes que Rabelais seul eût pu dignement traduire en français. Les trois auditeurs furent ravis d'admiration : « Nous n'avons jamais rien entendu d'aussi beau, dirent-ils ; bienheureux ceux quit'écoutent, et que tu honores de ton amitié. » Chacun d'eux demanda pour ses ouailles la faveur d'entendre une si éloquente parole, et Salimbene prêcha plusieurs fois dans leurs églises. Entre les divers arts, la musique seule a eu le privilège de l'in- téresser. Il ne ditrien de la peinture, sinon pour nous apprendre que tel outelmoine excellait dans les miniatures. Bien qu'il nous donne de nombreux détails sur les constructions faites en Lombardie, et spécialement à Parme, il parait indifférent au côté artistique de ces travaux. Mais il avait eu pour maître de chant frère Henri dePise, et il nous fournit sur la musique et les musiciens de son époque des renseignements pleins d'intérêt. Quand il parle d'une jolie voix, il a des expressions presque aussi émues que lorsqu'il signale un bon cru. Il faut lire le portrait qu'il trace du frère Vita, « le meil- leur chanteur du monde et de son temps. » Ce nouvel Orphée sédui- sait tour à tour, par l'exquise douceur de sa voix, les rossignols et le pape Grégoire IX : les uns s'arrêtaient pour l'écouter, et l'autre lui pardonnait volontiers toutes ses peccadilles : « Si quelqu'un parlait quand le frère Vita chantait, on entendait aussitôt retentir cette parole de l'Ecclésiastique: « N'empêchez pas la musique. » De même le rossignol, dans les buissons, s'arrêtait pour l'écouter, sans quitter sa branche, et reprenait le chant après lui ; et ils al- ternaient ainsi, faisant entendre les sons les plus exquis et les plus suaves.... Quand il voulait revenir, le pape Grégoire IX lui pardonnait toujours par amour pour saint François, et à cause de la douceur de son chant. » Salimbene paraît avoir fait de sa vie deux parts égales, qu'il con- sacrait non pas « l'une à dormir et l'autre à ne rien faire », mais l'une à voyager et l'autre à lire et à composer. Il s'était formé une petite bibliothèque de manuscrits dont on pourrait reconstituer pres- que entièrement le catalogue d'après les indications qu'il donne. On imagine sans peine à quel point elle lui était chère : un jour Parme, où il habitait alors, se trouva menacée d'une attaque à main