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50 LA REVUE LYONNAISE Commençons par la plus frappante de toutes, celle d'Adhi- ma et de Héva, ou du premier homme et de la première femme. La question qui se présente tout d'abord à l'esprit en ce qui la concerne, c'est de savoir d'où, elle vient. Sur ce point, si important cependant, M. Jacolliot est bien vague et bien peu "d'ac - cord avec lui-même. Dans La Bible dans l'Inde, il dit qu'on la raconte à Ceylan, ce qui semble insuffisant pour permettre de lui attribuer une haute antiquité. Dans les Fils de Dieu (p. 121), il fait précéder une nouvelle édition de ce récit des mots, « suivant les livres sacrés des Indous. » Les livres sacrés des Indous sont très nombreux et il n'eût pas été superflu d'être plus précis. Mais ici encore c'eût été difficile, car la susdite légende ne se trouve ni dans les Vedas, ni dans les Brâhmanas, ni dans les lois de Manou, ni dans aucun des ouvrages considérés comme sacrés par les brah- manes ; je dirai même que jamais personne jusqu'ici ne l'a rencon- trée dans un livre sanscrit quelconque. Je ne crois pas malgré cela qu'il faille attribuer le mérite de l'avoir inventée à l'imagination, fé- conde pourtant, de notre auteur. Elle se trouve, si je ne me trompe — car je n'ai pas les moyens de contrôle sous la main, — dans un ouvrage de la dernière moitié du dix-huitième siècle rempli de contes forgés à plaisir dans une intention de polémique antichré- tienne et mis sur le compte des brahmanes dont on commençait à s'occuper parmi les savants. Si telle n'est pas son origine, elle provient à coup sûr d'emprunts faits par quelque écrivain tamoul moderne, soit directement aux Bibles que répandent dans le pays les missionnaires protestants, soit à des récits populaires ayant leur source dans les prédications et les enseignements de ces mê- mes missionnaires ou des missionnaires catholiques. Au surplus, un détail bien simple donnera la mesure de la valeur philologique qu'on peut y attacher. Le mot adhima qui, d'après M. Jacolliot, signifie en sanscrit le premier homme, veut dire tout simplement (sous la forme âdima et non adhima), le premier; on ne le trouve du reste que chez les grammairiens et, les lexicogra - plies, et sa composition est trop artificielle pour qu'on puisse sup- poser qu'il ait jamais été employé d'une manière populaire et à une époque antérieure aux spéculations savantes. Quant à heva, dont l'acception serait, d'après M. Jacolliot) « ce qui omplète