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vaient nos jeunesses, comme je voudrais les étendre dans le temps, les dé-
velopper, leur donner l'ampleur et la densité des riches années qu'il n'a
pas eues !
      Il finit par trouver sa certitude, non où je croyais, mais où il pensait que
c'était bien. Un esprit comme le sien ne pouvait se contenter d'une pure criti-
que, comme son cœur ne pouvait se satisfaire de bienveillance et de détache-
ment. Il lui fallait plus, une discipline qui fût d'accord avec une interpré-
tation générale de l'histoire, avec son expérience d'homme qui a parti-
cipé aux affaires publiques, de soldat qui s'est battu, de voyageur et de
chef d'entreprise. Peu d'esprits ont mieux connu et mieux compris le génie
politique de l'ancienne France. Il fut de ceux qui crurent possible de le
ressusciter dans ses formes et utile, en tout cas, d'instaurer une revision
systématique de nos institutions. Il sentait absolument, si je puis dire, le
besoin de doter le pays d'une autre élite que celle qui lui est livrée par la
tactique et les combinaisons des partis, il voulait la rattacher, non à ce
qu'il jugeait une philosophie creuse, mais aux vérités jaillies de la terre,
aux leçons du passé, aux instincts éternels de l'homme. Telles étaient les
assises domaniales de sa pensée. Hélas ! je l'adjurais d'y réfléchir encore,
mais il y était heureux. Pardon, mon ami, d'avoir tenté de vous ravir à ce
bonheur d'esprit, si désintéressé, si lumineux, qui vous a donné de si belles
années.
      Car elles furent belles, ces rapides, ces passantes, si tôt rayées, abolies
à jamais, sans lendemain possible. Il avait acquis, dans le plus noble lieu,
entre Aix et Avignon, une magnifique ruine qu'il avait pris à cœur de
rétablir et de restaurer en dignité. C'est là, sur cette terre provençale, où
l'accueillaient et l'escortaient de fidèles amis, qu'il se sentit sans doute au
plein de sa vie. C'est de là qu'il partait pour ses voyages fortunés, sur
cette Méditerranée qu'il connaissait comme un bon corsaire, dans ce
 Levant où la vieille France lui était si inquiètement et si chèrement pré-
sente. Ils lui inspirèrent deux beaux livres, pleins de passion, pleins de
sérénité aussi, où l'aventure du passé se mêle au songe de l'avenir comme
le lierre ou la vigne s'enlacent à la colonne, dans un paysage gorgé d'his-
toire, sous la lumière éternelle. Il préparait une Bibliographie des voya-
ges français dans le Levant, que lui seul pouvait écrire, livre de savant,