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« ...Les doctrines matérialistes ne sont pas moins dans l'erreur.
« En admettant que les phénomènes se rattachent à des manifesta-
tions physico-chimiques, ce qui est vrai, la question dans son essence
n'est pas éclaircie pour cela ; car ce n'est pas une rencontre fortuite de
phénomènes physicochimiques qui construit chaque être sur un plan, et
suivant un dessin fixe et prévu d'avance, et suscite l'admirable subordi-
nation et l'harmonieux concert des actes de la vie.
« Il y a dans le corps animé un arrangement, une sorte d'ordonnance
que l'on ne saurait laisser dans l'ombre parce qu'elle est véritablement
le trait le plus saillant des êtres vivants. Que l'idée de cet arrangement
soit mal exprimée par le nom de force nous le voulons bien ; mais ici le
mot importe peu, il suffit que la réalité du fait ne soit pas discutable.
« Les phénomènes vitaux ont bien leurs conditions physico-chimiques
rigoureusement déterminées. Mais, en même temps, ils se subordonnent
et se succèdent dans un enchaînement et suivant une loi fixée d'avance :
ils se répètent éternellement avec ordre, régularité, constance, et s'harmo-
nisent en vue d'un résultat qui est l'organisation et l'accroissement de
l'individu, animal ou végétal.
« Il y a comme un dessin préétabli de chaque être et de chaque or-
gane, en sorte que si, considéré isolément, chaque phénomène de l'éco-
nomie est tributaire des forces générales de la nature, pris dans ses rap-
ports avec les autres, il révèle un lien spécial, il semble dirigé par quelque
guide 'iivisible dans la route qu'il suit et amené dans la place qu'il occupe ».
Il est curieux de retrouver sous la plume du Maître incontesté de la
physiologie moderne, les idées qu'exprimait déjà Saint Thomas ; et peut-
être Claude Bernard eût-il été surpris de constater que les expressions
dont il se servait pour expliquer sa pensée étaient les termes mêmes de la
philosophie scolastique, si raillée de son temps, sans doute par cela seul
qu'elle était presque ignorée.
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Ces convergences de la philosophia perennis et de la physiologie mo-
derne expliquent sans doute que le disciple lyonnais de Claude Bernard,