page suivante »
— 35° —
jours et les « vogues » de Pâques et de Pentecôte sont comme un écho
affaibli des joyeuses fêtes d'antan.
Le jour de l'Ascension, une cérémonie, où l'écusson royal remplaçait
les armoiries du prince de Savoie, rappelait d'anciennes contestations ter-
ritoriales entre le roi de France et le comte de Savoie.
Egalement pour l'Ascension, les seigneurs du Mont-d'Or, qui pré-
tendaient descendre de Roland, exposèrent jusqu'en 1562, parmi les
reliques, le cor d'ivoire du fameux paladin; puis ils prenaient deux «em-
boutées » de l'argent des offrandes qu'ils distribuaient aux pauvres. Au
mois de mai, le roi de la Basoche se rendait à l'Ile sur un bateau richement
décoré, escorté d'un grand nombre d'autres barques. Suivi de la bruyante
foule des clercs du Palais et autres escholiers, le prince de « joyeux plaisir »
entendait la messe dans l'église de l'abbaye, puis avait lieu un splendide
repas suivi d'un concert, le tout assaisonné, sans nul doute, des maintes
joyeusetés dont la jeunesse étudiante fut toujours prodigue. Les Lyonnais,
qui s'ébaudissaient sous les grands arbres du Pré, s'y considéraient un peu
comme chez eux, à un tel point qu'un mémoire de 1531, cité par Cochard,
rapporte qu'un abbé ayant voulu faire clore le pré pour mettre fin aux
amusements de la foule, celle-ci renversa les murailles ! ! ! Il paraît aussi
qu'on dansât plus d'une fois « dans les maisons mêmes des religieux » ' ! !
Mais ces fêtes avaient parfois de terribles revers : en 1636, le 26 juillet,
un bateau sombra avec près de 80 personnes (Journal de M. Milliet, curé
de Notre-Dame de la Platière, à Lyon).
Les vieux murs de l'Ile-Barbe virent, en 1784, Claude de Jouffroy
essayer sur la Saône le premier bateau à vapeur, ancêtre des « Mouches »,
hélas disparues ! Ils virent passer, en 1805, la gondole pavoisée de Pie VII,
dont une gravure de De Boissieu nous a laissé le souvenir. De nos jours,
l'Ile-Barbe n'est plus qu'un agréable but de promenade, et le visiteur, de-
vant les ruines de son ancienne opulence, peut redire avec Le Laboureur
que « tel est le sort de toutes les choses sublunaires d'être réduites au
néant dont elles ont été tirées » et méditer à son aise la vanité des gran-
deurs humaines, sous ses frais ombrages, le long de la Saône nonchalante.
NORMAND.