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     En remplaçant fortitudo (ou fortis) par quelque synonyme suscep-
tible d'entrer dans la poésie dactylique *, on rencontre la devise empruntée
à Virgile2 :
                          Audaces fortuna juvat...

       On pourra objecter que c'est là une hypothèse sans fondement. Nous
ne le croyons pas; car les sentences latines ont joué un rôle décisif dans
la constitution des devises médiévales. D'ailleurs, nous avons entre les
mains un témoignage décisif, une vieille pierre de la dimension d'une
métope, jadis encastrée dans une vieille maison de Beaujeu. Sur cette
pierre sont gravées des armes : l'écu est décoré d'une tige bifurquée dont
les deux branches sont étreintes par deux mains gantées de fer. On dirait
du geste d'un sourcier empoignant la baguette magique de coudrier. Une
couronne de feuillage entoure le tout et partage en son milieu la date
marquée en chiffres arabes : 1573 Au-dessous, dans un cartouche, se
lit l'inscription :
                          Virtutis fortuna cornes...

      C'est le courage que la fortune accompagne. Voilà notre fameuse for-
mule trouvée : elle est l'équivalent des deux devises précédentes et for-
tifie sérieusement notre hypothèse. Le moins qu'on puisse dire est que
la devise « Fort, fort » en est la traduction libre. Nous laisserons à un
spécialiste du blason le soin de déterminer la signification symbolique
des emblèmes et de décrire minutieusement en termes techniques le
monument en question ; nous nous contenterons d'en déterminer la pro-
venance. Et d'abord, un examen attentif ne permet pas de suspecter la
date de 1573, encore qu'elle soit gravée en chiffres arabes et non romains :
cette différenciation présente peu d'importance lorsqu'il s'agit d'un édi-
fice profane et surtout d'une date relativement récente, comme c'est le
cas ici. Le bloc de pierre semble avoir été apporté du château des sires
de Beaujeu lors de sa démolition au commencement de xvne siècle.Comme
il avait son intérêt décoratif, on l'a encastré bien en vue, à hauteur
   1. Fortitudo ne peut entrer que dans la poésie iambique.
   2. Virgile Audentes fortuna juvat. La devise des imprimeurs Gryphe était : Virtute duce, comité fortuna.