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— 220 — inégalités de la marche du Conseil pour cheminer moi-même avec la di- gnité qui appartient à la place que j'ai l'honneur d'occuper » \ L'activité d'un commandant aussi soucieux de ses prérogatives se heurta nécessairement à l'opposition d'un intendant qui désirait tout pouvoir et qui était « un homme exclusif ». Quels qu'aient été les desseins que Dumas prête à Poivre, il est assuré que les deux hommes avaient quitté Lorient en adversaires, sinon déjà en ennemis. Dumas crut-il à la possibilité de restaurer l'entente ? On serait tenter de le penser à la lecture des premiers articles de son journal. Il ne rencon- tre pas d'abord dans ce qu'il propose à Poivre « de résistance absolue, mais seulement une sorte de contrainte » qui semble annoncer « qu'il vou- drait avoir l'air d'un administrateur en chef indépendant et unique ». Ses conversations témoignent des « meilleures intentions », et Dumas espère un moment que «le concert s'établira ». Mais livré à lui-même, et surtout à l'influence de quelques personnages, Poivre change complètement d'at- titude et se montre prêt à « mettre de la grossièreté » « même dans la dis- cussion des faits » \ Alors c'est un échange de missives aigre-douces et de discussions chicanières sur les points de la plus minime importance. Parfois Dumas se fâche et riposte vertement. Il finit par constater que la bonne intelligence « est impossible à maintenir» 3.« C'est la faute de la nature » qui a donné au commandant et à l'intendant « une manière de voir les objets directement opposée ». « Celui de nous deux qui se trompe est sans doute excusable ; mais dans cette opposition directe, nous écri- rions vainement des volumes pour nous ramener réciproquement à notre opinion »4. Officiellement pourtant, les deux antagonistes se rencontrent, se parlent, échangent même des compliments. Poivre a-t-il une indigestion ? Dumas envoie aussitôt son valet de chambre l'assurer de la part qu'il prend à sa peine. Dumas est-il nommé brigadier général ? Poivre accourt lui en faire compliment et l'entrevue est des plus courtoises5. i. Copie de toutes les lettres écrites par M. Damas, 35 août 1767, à M. Deribes. 3. Journal de M. Dumas, 1e1, 2, 4, 13 août 1767. 3. Journal de M. Dumas, 14 janvier 1768. 4. Copie de toutes les lettres écrites par M. Dumas, 13 mai 1768, à M. Poivre. 5. Journal de M. Dumas, 39 novembre 1767, 34 juillet 1768.