Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
[ Revenir aux résultats de la recherche ]
page suivante »
                                               — 171 —
      Le 12 février, M. de Cazeneuve, docteur en médecine, mandé spéciale-
ment de Tournon, jugea l'état du malade désespéré : une pneumonie venait
de se déclarer. Cependant Démia conservait encore, dans lafièvre,toute sa
lucidité, car, le même jour, ilfitremettre au courrier ordinaire de Lyon deux
paquets de lettres qu'il avait « pour Mgr. de Noyers et Mgr. de Chavigny»x.
      Malgré les saignées, purgations et onctions auxquelles l'infortuné fut
soumis 3, la maladie eut un rapide dénouement. Benoît Démia mourut loin
des siens et sans avoir rempli jusqu'au bout sa mission. C'était le samedi
14 février, à trois heures du matin. Il avait reçu avec piété les derniers
sacrements : dom Jean Courbet, curé, et dom Balthazar Vernéty, religieux
du prieuré de Tain, l'avaient assisté dans son agonie.
      Le même jour, et dès cinq heures, Mathieu Courbyr, docteur es droits
et lieutenant de la judicature, se présentait chez le maître de poste, avec son
greffier. Tous deux procédèrent à l'inventaire des hardes du défunt et des
objets contenus dans sa mallette. On y trouva force pièces d'or et d'argent 3,
des tablettes, une montre à réveille-matin, une toilette portative de toile
ouvrée, avec peigne et miroir dans un étui damasquiné, une ecritoire, une
fiole à poudre de senteur, diverses « curiosités » que Démia rapportait
d'Espagne4 pour en faire don à sa famille, des objets de piétés, enfin la


      1. Léon Le Bouthillier, comte de Chavigny, avait eu, sous le ministère de Richelieu, le maniement des
affaires les plus importantes. Mazarin l'avait fait rentrer au conseil ; mais il existait entre eux une sourde
rivalité.
      3. On ne manqua ni de le saigner ni de lui administrer le remède, immortalisé par Molière, et cela trois
fois sous la forme carminative et trois fois sous une forme composée (avec électuaires de Diaphanic, Dia-
prunis et autres). Cazeneuve y ajoute une onction sur les hypocondres et le ventre, deux fomentations, sans
préjudice de l'absorption de six grandes bouteilles de tisane pectorale et d'une médecine laxative, composée
de 0 cichorée, reubarbe, syropt de roses », etc.
      3. L'énumération en est curieuse : un double quadruple d'Espagne, une pistole et un demi-louis, quatre
louis d'argent de 30 sols, deux quarts d'écus, une pièce de cinq réaux catalans et deux de a réaux et demi,
deux madoninnes, 13 doubles-quadruples, 26 quadruples et 10 pistoles et demi d'Espagne, un louis et un
jacobus d'Angleterre, 20 écus sol et une pièce d'or du Portugal, — Démia transportait deux sommes,
envoyées l'une par un Bressan à sa femme et l'autre par un secrétaire du maréchal à son frère, grenetier du
grenier à sel de Bellegarde.
      4. Divers bibelots en sel ouvré à Cardona : croix, cœurs, heures, losanges fleurdelysés ; des coiffures
catalanes en crêpe jaune, blanc et bleu pâle bordé de rouge ; des franges, des passementeries, des morceaux
de velours et de satin.
      5. Deux paquets étiquetés, l'un « terre de S. Benoît », l'autre « terre de S Vincent » ; une douzaine de
pains sacrés dans une boîte ; une autre boîte, peinte en violet et en vert où se trouvait un Agnus Dei ; une
pièce de satin blanc avec la figure du Saint Suaire ; deux chapelets à grains de sel montés sur filets rouges,
comme on en fabrique encore de nos jours à Cardona.