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- i58 - du nonce Frangipani, que j'ai honte de rapporter, de peur d'avoir l'air de le prendre à mon compte, le reproche si injustifié pour notre bonne ville d'être, au confluent d'humidité de deux fleuves, le séjour d'élection des « catarrhes ». Il déniait tout sens artistique à Matthieu et à ses collabora- teurs. Il se moquait des dames, qui, suivant le canon de la mode, s'amin- cissaient la taille et de là jusqu'aux pieds arrondissaient leurs jupes en des cerceaux toujours plus larges. Il appréciait peu la musique du Roi, bonne tout au plus pour des concerts de chambre, et encore moins la chère, qui n'était ni délicate ni choisie. La seule maison où l'on mangea bien et but des vins exquis, c'était celle du grand banquier florentin Bonvisi, le meilleur des amphytrions, dirions-nous, un « Apollon », proclame le majordome ému. Pauvre pays que le nôtre ! L'abbaye d'Ainay, qu'on avait réservée au Légat et à sa suite, était si démeublée ou si insuffisamment meublée qu'Aguc- chi dut recourir aux bons offices coûteux des marchands. Il faut qu'il ait crié bien haut sa mauvaise humeur et son dédain pour que le grand aumô- nier, quelques vingt ans après, réplique en ses mémoires : « M. le légat et ses officiers, qui nous avoyent bravés en meubles et ornemens d'église à Chambéry virent audict lieu (Lyon) la grandeur et l'opulence de la France par la grande quantité de riches meubles desquels toute l'église de Saint- Jehan, le logis du Roy et de la Reyne et celuy dudit sieur légat furent meublés et accommodés très magnifiquement, car tout ce qui avoit esté faict à Marseille pour la réception de la Reyne avoit été rapporté à Lyon ». Mais, en attendant l'arrivée du convoi, Aldobrandini était descendu chez Apollon. L'entourage de Marie de Médicis ne cessait de gémir et de quéman- der. Vinta déclarait indispensable à la santé de la souveraine de garder ses cuisiniers italiens. Sous prétexte qu'elle était « bonne ménagère », — une qualité qui égaya fort Henri IV, — il demandait de créer un contrôleur des finances de la Reine, payé sur les deniers publics, et qui ne pouvait être qu'un de ses parents, on le devine. Il réclamait pour Leonora Galigaï la charge de dame d'atour qui, à la Cour de France, ne se donnait qu'à une dame noble, et il insista si fort que le Roi, sachant la raison de son impor- tunité, céda pour faire plaisir à la Reine.