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— 155 — ville, son escorte se jeta sur cette proie et alla s'en partager les lambeaux dans un cabaret du voisinage. Le poêle du clergé sous lequel il passa eut le même sort devant Saint-Jean, aussitôt qu'il le quitta. Des laquais, dissimulés derrière un mur, l'enlevèrent si dextrement que les spec- tateurs le cherchaient en l'air, pensant qu'il se fût envolé. Pour conquérir la mule, les archers du Roi et les soldats de la ville se battirent pendant plus d'une heure et faillirent l'écarteler. C'étaient les jeux du bon vieux temps, et les princes ne dédaignaient pas de s'y mêler à leur façon. Henri IV, posté en bonne place à une fenêtre avec une petite arbalète, criblait de galets les combattants si échauffés par la lutte qu'ils ne sentaient pas les coups. Il voulut aussi faire à ses sujets leur part dans la réjouissance de ses noces. Aussi prétendait-il, bien qu'il fût depuis huit jours le mari de sa femme, recommencer les cérémonies de Florence. Le Légat maintenait qu'il ne s'y pouvait rien ajouter, le mariage de leurs Majestés étant par- fait et ratifié par procuration et « paroles de présent ». Mais il ne refusa pas de donner sa bénédiction aux époux, dans la Cathédrale, et après la messe. Le dimanche 17 décembre, la Cour, en aussi grand apparat que pour un vrai mariage, se rendit à Saint-Jean. A la tête du cortège marchait la jeune noblesse devant les trompettes, les tambours et les fifres. Les pages de la chambre, les chevaliers de l'Ordre du Saint-Esprit, les ducs et pairs et les grands seigneurs précédaient le nouveau marié, galamment vêtu « de satin blanc, en broderie d'or et de soie, ayant la cappe (sic) noire as- sortie à l'habit, sur laquelle il portait le colier (sic) de ses Ordres ». La Reine suivait « vestuë d'un manteau royal de veloux violet cramoisi, semé de fleurs de lys d'or, portant une couronne à l'impériale », qui était cou- verte de perles, de diamants, de rubis, et au cou « le grand carquant que le Roy luy avoit envoyé » le jour d'avant son entrée à Lyon. Elle était con- duite par le prince de Conti et le duc de Montpensier, deux Bourbons, et assistée par mesdames de Nemours et de Guise, mademoiselle de Guise, la comtesse d'Auvergne et la duchesse de Ventadour, qui se relayaient pour soutenir son manteau, si lourd qu'elle n'eût pu sans aide se mouvoir. La population massée dans les rues, aux fenêtres, sur la place de Saint-