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et elle a répondu et correspondu — évidemment par intermédiaire — dans
tous les raisonnements de la meilleure manière ; et le Roi, quand il sortit
pour aller dîner, en vint à dire qu'elle surpassait en beauté tous les por-
traits qu'il en avait eus et qu'il concluait de ses traits et de son visage à un
caractère ferme et sage », Cette dépêche diplomatique est naturellement
discrète et réticente. Mais le jugement et le courage dont Vinta fait un si
grand mérite à Marie de Médicis, et la crainte qu'il lui a fallu maîtriser
laissent deviner qu'elle ne s'attendait pas, le soir de la première rencontre,
sans phrases ni préliminaires, à subir l'épreuve de ses devoirs. Le grand
aumônier ne semble-t-il pas insinuer aussi qu'Henri lui-même appréhen-
dait un refus, puisqu'il chargea la duchesse de Nemours de rendre agréa-
ble à sa femme son empressement?
Mais un autre document lève tous les doutes. C'est une lettre de
Gianbattista Agucchi, un monsignor, qui faisait fonction de majordome
auprès du Légat, à la place de son frère que la maladie avait retenu à Rome.
Il eut l'occasion, lors de son séjour à Lyon, de recueillir dans les milieux
italiens les bruits de l'antichambre et même de la chambre à coucher. Il
n'aime pas les Français, mais son parti pris de malveillance n'exclut pas
la véracité. Après quelques excuses sur son retard, le Roi, écrit-il à son
frère, à Rome; laissa entendre à sa femme « qu'il voulait lui tenir compa-
gnie cette nuit. La Reine eut un mouvement de recul, disant qu'il conve-
nait d'attendre l'arrivée du Légat pour bénir tout d'abord leurs noces,
mais on dit que Sa Majesté tira d'une sacoche une lettre ou bref de Sa
Sainteté, où il était dit qu'il n'était besoin d'autres cérémonies que celles
qui avaient été faites à Florence. Quand la Reine vit la résolution du Roi,
elle fut prise d'une telle peur qu'elle devint froide comme glace et qu'après
l'avoir portée au lit on ne parvenait pas à la réchauffer avec des linges
bien chauds ». « Cela déplut à ses serviteurs », remarque Agucchi, sans qu'il
soit possible de savoir s'ils en voulaient à Henri IV de son impatience
ou à Marie de Médicis des répugnances de sa pudeur.
Mais le lendemain matin, quel revirement ! L'ambassadeur floren-
tin, accouru aux nouvelles, apprenait de la paranymphe, Madame de Ne-
mours, et du médecin Guido, « que les choses s'étaient passées finalement
très bien et que le roi avait manifesté un grand contentement et que la