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que le Légat avoit du pape pour cest office. Cela faict, les espousailles se
firent et le canon tira de tous costés ».
Mais le narrateur décrit avec complaisance les fêtes que donna le
Grand Duc en l'honneur de la Reine de France. Il admire, naïvement,
au banquet princier du soir, la garniture de la table, toute une architec-
ture et une sculpture en caramel, j'imagine: éléphants et «autres animaux
inusités», oliviers avec des olives, «et toute imitation... de la nature». Mais
un plus grand sujet d'émerveillement fut le jeu des tables qui se succé-
daient et, semblant sortir du sol, paraissaient et disparaissaient, toutes
diversement garnies, et toujours plus riches et plus tentantes, celle-ci
chargée de fruits, dragées et confitures, celle-là « de miroirs et autres
choses plaisantes à voir et faisant au long et au large un brillement admi-
rable», et la dernière représentant les jardins d'Alcinoûs, qui sont, dit
cet ignorant, jardins de Sémiramis, avec des fleurs, des fontaines et des
petits oiseaux, qui s'envolèrent parmi la salle, donnant en plein hiver
l'illusion de l'été.
Les Italiens étaient passés maîtres dans l'art de la mise en scène, et
ils en trouvaient l'emploi dans le nouveau genre dramatique qu'ils avaient
créé. La pièce que l'on joua pour le couronnement des fêtes n'était ni
un drame, ni une tragédie, ni une pastorale. L'Aurore, follement éprise
du beau chasseur Céphale, et, tout occupée à poursuivre cet amant ré-
fractaire, en oublie de faire son office, qui est, comme on sait, d'ouvrir
avec ses doigts de rose les portes du soleil. La nuit se morfond, le jour
s'impatiente, Apollon attend sur son quadrige. Jupiter, inquiet du bou-
leversement de la nature, lance Mercure à la recherche de la vagabonde.
Enfin Céphale se laisse attendrir par tant de constance et il s'envole au
ciel avec la divine amoureuse.
La fable est simple, comme vous voyez, mais quelle matière à mettre
en musique ! Solo de la Poésie, chœur des Muses, duo de Céphale et de
l'Aurore, trio de l'Océan, de Phœbus et de l'Amour, concert de 48 exécu-
tants, choral de 16, déclamation « avec une très grande douceur et suavité »
de voix, autrement dit récitatif, toutes les formes musicales sont là en puis-
sance. Et quels décors ! Au premier acte, le Parnasse « à deux testes qui
jettoient de soy deux fontaines », au second, un bocage planté d'arbres