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— 130 — romaine, et même un peu avant, ses conseillers délibérèrent de le remarier pour affermir la dynastie nouvelle des Bourbons. Il avait, étant encore roi de Navarre et huguenot, épousé en premières noces, peut-être malgré lui et certainement malgré elle, la très catholique Marguerite de Valois, fille de Catherine de Médicis, et n'en avait jamais eu d'enfant. Ce ménage mal assorti avait longtemps vécu sous le régime de l'infidélité mutuelle, qui finit par aboutir à la séparation et à la rupture ouverte. Lui, devenu roi de France en vertu de la loi sali que et renié par la majorité de ses sujets qui lui opposait le droit religieux, avait achevé par sa conversion la conquête de son royaume. Elle, s'était morfondue, recluse volontaire ou non, dans un château fort de l'Auvergne, à Usson, perdue de dettes à n'en pouvoir plus faire, et disposée à un divorce, à condition que le Roi, son mari, consentît à satisfaire ses créanciers et lui assignât une pen- sion digne de sa naissance et de son rang. La Cour de Rome avait tous les moyens canoniques et toutes les raisons politiques de dissoudre, quand elle le jugerait bon, une union qui n'existait plus en fait. Les difficultés venaient du Roi lui-même. Il aimait à la folie Gabrielle d'Estrées, gracieuse et belle, mais d'une famille si fertile en femmes ga- lantes qu'elle et ses cinq sœurs passaient — y compris son frère François- Annibal — pour l'incarnation des «sept péchés capitaux». Il avait eu d'elle deux fils et une fille, et il les avait légitimés, bien que l'aîné, César, fût doublement adultérin. Ce grand roi, dont l'amour fut l'unique, mais l'éternelle faiblesse, faisait demander à Clément VIII, en même temps que l'annulation de son premier mariage, un service qu'il estimait égal, sans souci de l'irrévérence du rapprochement, à celui de l'avoir absous du péché d'hérésie. Il voulait épouser sa maîtresse et, en l'élevant jusqu'au trône, y faire monter avec elle, comme ses futurs héritiers, la lignée de la bâtardise et de l'adultère. Mais le pape, dans ses instructions secrètes au nonce Silingardi, se disait résolu à s'opposer de toutes ses forces, dans l'intérêt du Roi lui-même, à « cette pratique extravagante », convaincu qu'elle soulèverait une nouvelle guerre civile, « le peuple de France n'ayant pas l'habitude de supporter des taches sur ses rois ». Heureusement pour la paix du royaume^ Gabrielle d'Estrées mourut subitement (10 avril 1599), et si à propos, que les uns y virent la main de