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 et la reine n'hésita que par un peu de crainte de son austérité que la bonté
 et le charme ne corrigeaient pas toujours. Dans cette société de Versailles
 trop frivole, si avide de grâces et de dotations, si habile à tirer du trésor
 public le prix de ses intrigues ou le dédommagement de ses services, la
 sagesse et la réserve de la dame d'honneur inspirèrent un respect universel,
 une estime que n'effleura jamais la calomnie ou la jalousie. Aux heures de
 l'épreuve, son dévouement fut comme avait été son assiduité, pendant la
 prospérité, sans calcul et sans retour sur ses propres intérêts. Elle refusa de
 franchir la frontière et de se mettre en sûreté, tant qu'elle jugea sa présence
 utile à la malheureuse reine, livrée aux pires angoisses d'une déchéance
 progressive et aux insultes d'une populace aveuglée qui ne la nommait plus
 que l'Autrichienne ; elle ne s'enfuit qu'après le 10 août et se réfugia à
 Erfurt en Thuringe, où les crimes affreux de la Terreur la jetèrent dans
un deuil inconsolable. En rentrant dans sa patrie, après que l'ordre fût
rétabli et que le gouvernement consulaire eût abrogé les écrous d'exil, elle
 n'avait probablement rien oublié et ses préférences n'abandonnaient ni le
prétendant, ni le parti légitimiste, mais elle avait beaucoup appris, comme
elle se plaisait à le dire elle-même, à détester et à fuir le monde ; elle était
décidée à consacrer sa vie aux œuvres chrétiennes de charité et à n'user de
la dignité de sa naissance et de son rang que pour l'abaisser devant les
pauvres. On la pressa à l'exemple de tant d'autres, qu'elle avait jadis ren-
contrés à Versailles, d'entrer à la cour impériale; on lui fit les offres les plus
brillantes ; on l'intimida en la menaçant de la mauvaise humeur du souve-
rain ; elle déclina toute proposition, s'excusant sur sa vieillesse et la perte de
sa mémoire. « Je ne me souviens plus, disait-elle, que des vertus et des mal-
heurs de mes maîtres ».
      On comprendra, sans qu'il soit besoin d'insister, avec quelle subite
émotion notre ambassadeur reçut d'une telle main les observations que la
complaisance, dont il avait trop légèrement usé, justifiait, plus qu'il n'osait
se l'avouer à soi-même, son émotion et son embarras. Mais les diplomates
ont des grâces de carrière des plus opportunes et vraiment la réponse que le
cardinal Fesch adressa à M me de Chimay ne manque ni d'esprit, ni d'adres-
se ; elle n'est pas sortie de la rédaction d'un secrétaire ; qu'on puisse en
discuter le fond, je n'en disconviendrai pas ; qu'un théologien n'en sous-