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labeur parlementaire en a été simplifié et activé. Sans tribune, le député se
dresse à son banc et s'explique : il y a des chances qu'il soit plus bref qu'à la
tribune ; puis il reste au milieu de ses collègues qui, d'une main discrète,
peuvent par quelques tractions au pan de sa jaquette, lui faire comprendre
que les meilleures choses doivent avoir une fin.
      Mais pour cette réforme, il faut l'appui de l'opinion, et celle-ci a
encore pour la tribune un fétichisme tenace. Que de fois les électeurs choi-
sissent un candidat parce que, disent-ils entre eux, au moins il ne sera point
emprunté pour monter à la tribune. Et dans ces réunions publiques, je vous
assure qu'on peut produire toujours un très gros effet en proclamant :
« Souvenez-vous, citoyens, que je n'ai pas hésité à dire au gouvernement,
du haut de la tribune... ».
      Il y aurait une étude pittoresque et révélatrice d'états d'âme à faire sur
la façon dont chacun aborde la tribune. Un député du Doubs, le docteur
 Grenier, siégeait vêtu d'un burnous. Il était ainsi affublé non point parce
qu'il avait voulu réaliser pour son compte la proposition de Grégoire, à la
 Convention, démontrant qu'un costume particulier pour les députés « a
l'avantage d'assurer à la loi qui est un être moral, le respect qui lui est dû,
 en la personnifiant pour ainsi dire, par un caractère sensible dans ceux qui
 en sont les organes », et ajoutant : « L'ampleur du vêtement long convient
 seul à un législateur ». Le docteur Grenier avait un burnous simplement
 parce qu'il s'était converti sur le tard à la religion de Mahomet et, avec
l'ardeur d'un néophyte, il ne manquait pas en outre de se prosterner tout
 de son long sur le plancher avant de gravir les degrés de la tribune. Ce qui
 amenait chaque fois le digne et grave président Henri Brisson à rappeler
 vivement à son collègue qu'il eût à s'abstenir, dans l'enceinte législative,
 de toute manifestation cultuelle. Henri Brisson, auquel on a fait un renom
 d'austérité que son extérieur justifiait, n'avait point toujours été aussi
insensible au charme des choses orientales. Il fit, en 1862, un voyage aux
 bords du Nil ; il narra agréablement ses impressions, sous forme de lettres,
 dans la Réforme littéraire. « Ne le dites pas, écrivait-il le 17 janvier, vous
 me feriez empaler : j'ai passé la journée d'hier caché dans les rameaux d'un
 sycomore et armé d'une longue-vue, à épier l'intérieur d'un harem, d'un
harem de pacha.