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quartier dresse ses murs rustiques au milieu d'un pauvre cimetière fort abandonné.
On aperçoit son clocher à toit plat quand on descend le Rhône en bateau. Sur la route
qui longe le fleuve, un haut mur de clôture empêche de remarquer le pittoresque vieil
édifice.
       Le détail rare de cette église, c'est un grand ossuaire. Il occupe une salle haute
au dessus d'une chapelle voûtée. L'accès en est mystérieux, par un escalier fort étroit
collé au mur extérieur. Des corps momifiés, très impressionnants, sont debout contre
les parois de la salle. On les appelle, dans le pays, « les grands mandulons ». L. B. Mo-
rel, qui a consacré dans la Revue du Lyonnais de mars 1889, une étude à cette église,
avait compté trente-sept crânes sur une corniche de l'ossuaire. Des restes d'ossements
forment le sol de la pièce. Quelle est l'origine de cet ossuaire;1 D'où viennent ces
corps i Question intéressante à creuser pour des esprits curieux.
       Autre détail rare. La chapelle, qui est exactement sur l'ossuaire, offre la disposi-
tion de l'oratoire de Marguerite, à Brou. Une taille oblique du mur et du pilier permet
d'apercevoir, de la chapelle même, le maître autel. Je me suis un jour demandé si un
riche fidèle de l'église n'avait pas fait construire à ses frais cette chapelle et l'ossuaire
qui la surmonte pour venir, ainsi, faire ses dévotions au-dessous du corps de ses
ancêtres et comme sous leur protection.
       C'est l'église des énigmes, ma petite église de Saint-Sorlin. Chacune de ses parties
est d'un âge différent des autres. Laquelle fut construite la première^ Il y a là une
recherche technique intéressante à faire. La portion la plus ancienne ne serait-elle
point le chœur lourd, voûté et carrée N'aurait-il pas été fortifié, crénelé jusqu'au jour
où on l'a chargé du clocher italien i Une chambre haute, inaccessible et inexplorée
correspond au sud à la salle de l'ossuaire : que renferme-t-elle i quelle fut sa desti-
nation {
       Les dalles qui forment le sol de l'église ont des anneaux. Manifestement ce sol
 :st creusé pour de nombreux caveaux. Est-ce dans ces caveaux ou dans l'un d'eux
 seulement que les corps se momifient en « grands mandulons » i Par quel phénomène i
 Le sol de l'église est très en contrebas du cimetière qui l'entoure. Si le niveau du
 :imetière a été relevé par les inhumations, à quelle très lointaine antiquité remonte ce
 :emple rustique i Et quelles trouvailles utiles on pourrait faire par quelques fouilles
 ?ien dirigées !
       La route et les maisons qui séparent l'église du fleuve sont récentes. Les flots
 /enaient sans doute, à l'origine, battre le chevet de l'église ou le rocher sur lequel elle
  ;st construite. Cette église ne fut-elle point, d'abord, un temple païen sous le vocable
  ie quelque divinité du Rhône vouée à la protection des mariniers et qui est devenu, au
  )ré moyen âge, Saint-Nicolas, qu'une grande peinture représente dans l'église i Quel-
  jues fouilles, le déchiffrement d'inscriptions mutilées, donneraient des indications à
  :et égard.