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      A en croire ces informations tendancieuses, l'imprimerie lyonnaise
était gangrenée par le virus républicain, à moins que le mal dont elle mou-
rait ne fût une pesante anémie légitimiste ; il n'en était rien : l'imprimerie
périssait de consomption parce qu'elle n'avait plus d'idéal. Mais un homme
venait, il était venu déjà, qui, à lui tout seul, allait se charger d'apprendre à
vivre à ses confrères, à vivre et à travailler, ce qui pour lui était tout un ;
c'était Louis Perrin : j'ai renoué la chaîne.
       Les grands imprimeurs de l'époque héroïque, dont Perrin le premier
d'entre nous s'inspira jusqu'à bout de souffle, nous avaient donné de leur
art une grande et profonde impression ; ils nous avaient appris que la typo-
graphie n'est point un « métier » vulgaire ; la leçon de leurs œuvres fut une
 grande leçon dont un siècle tout entier sut ardemment profiter : c'est la
 sensation qui se dégagera de la contemplation du passé que nous voulons
 évoquer dans cette exposition des plus belles de ses œuvres.
       Oui, je sais bien, il faut aimer beaucoup, avec passion ce jeu des chères
 lettres pour y voir autre chose qu'un lassant « égrènement » de petits pris-
 mes d'un métal vil et malpropre ; mais qu'est-ce donc que le Parthénon ?
 Le noble jeu des pierres n'est pas plus noble que le jeu des lettres et il est de
 même essence. Rien ne ressemble autant à un édifice qu'une belle page
 d'impression ! l'ordonnance en est semblable et l'appareil identique. Il a
 fallu autant de goût à Vascosan pour mettre en pages ses Œuvres de Plutar-
 que, ou à Bodoni pour composer le titre detbhTe'le'maque, ou à Baskerville
 pour camper celui de son Virgile, ou à Pierre Didot pour bâtir ses « Editions
 du Louvre », dont le Racine est la plus belle, qu'il a fallu de génie à Ictinos
 pour ériger son œuvre immortelle ; seulement, le Parthénon a l'Hymette, le
 golfe d'Egine, les soleils somptueux qui se couchent dans l'améthyste ; le
 livre, lui, n'a que la blancheur de son papier, et trop souvent une mauvaise
 reliure qui le dessert et qui l'outrage.
       Et pourtant, le Livre, le beau livre reste quand même une œuvre d'art,
 une œuvre d'art magnifique, un monument d'architecture où se jouent les
 styles, comme ils se jouent sur les façades de nos temples : qui n'a pas vu
  cela ne sait pas voir un livre, un beau livre !