page suivante »
— II7 — Et Mazoyer achève sa mélopée par une invocation assez inattendue à un certain Lugdus, qu'il tient pour le vrai fondateur de Lyon : « Muses — dit-il — cessez aussitôt votre joie et mêlez un instant votre tristesse à la mienne. Le premier des Arts est en décadence à Lyon, mais il n'y périra pas ; Lugdus, que nous saluons tous aujourd'hui comme notre père, l'a assuré ; oui, Lugdus qui, six cent trente-quatre ans avant notre ère, traça sur le sable, par inspiration divine, que sa ville naissante serait bientôt célè- bre par le Commerce, les Sciences et les Beaux-Arts, principalement par un art qui perfectionnera tous les autres ». C'était l'imprimerie ! Je m'arrête... La Société des Imprimeurs de Lyon, qui avait pour président Louis Perrin et Léon Boitel comme secrétaire, fut dissoute en 1851 ; elle avait duré dix longues années : c'était beaucoup pour une organisation où rien de rien ne se monnayait ! On ne sait, mais Vingtrinier aurait pu le dire puisque, à ce moment, il était déjà maître-imprimeur, ou peu s'en fallait — on ne sait de quoi mou- rut cette société. 1851, c'était l'époque où, après la Révolution de 1848, au lendemain du coup d'Etat, qui « avait mis la haine au cœur des libéraux », ceux-ci se cherchaient et mettaient en commun, à défaut d'inépuisables ressources, leurs hardies et généreuses initiatives. L'imprimerie, cela va de soi, fut assez intimement mêlée au mouvement politique et de décentralisation qui remua dans ce temps les milieux lyonnais. Chanoine, un imprimeur légiti- miste aux opinions chancelantes, sur qui on verra plus loin un curieux juge- ment, joua dans cette tragédie un rôle que notre confrère Beyssac a remar- quablement mis en lumière. « Parti de très bas, dit Clair Tisseur, d'abord séminariste, puis correcteur d'imprimerie, puis imprimeur, Chanoine avait gagné beaucoup d'argent, grâce aux impressions du P.-L.-M. Il était catho- lique et légitimiste, mais de cette nuance de la Gazette de France^ laquelle, sous Louis-Philippe, réclamait le suffrage universel. L'ambition la plus chère de Chanoine était de posséder un journal à lui ».