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rigibles. Que la qualité du spectacle ne correspondît pas à ce qu'il en attendait, à ce
qu'il s'en était ou à ce qu'on lui en avait promis, qu'un artiste se permît une note
douteuse, que la vigueur de ses poumons vint à le trahir accidentellement, et tout
aussitôt, dans cet auditoire déjà bruyant, houleux et tumultueux, un violent orage se
déchaînait. Pendant la période des débuts, cette agitation prenait naturellement des
 proportions démesurées ; elle était alors, pour ainsi dire, en permanence, et le théâtre
 devenait inabordable à qui n'y eut cherché qu'une distraction ou un agrément. De
 tout temps, on s'était efforcé d'y mettre ordre ; de tout temps ces efforts furent im-
 puissants.
      L'autorité avait eu beau, en 1821, par exemple, annoncer gravement par un
 communiqué à la presse (1) qu'elle se disposait « à prendre des mesures pour faire
 cesser les scènes causées, depuis le début de l'année théâtrale, par des jeunes gens qui
fréquentent habituellement le Grand Théâtre, et plusieurs fois ont troublé l'ordre, à
l'occasion des débuts des nouveaux acteurs »; il faut croire que ces mesures n'avaient
pas eu beaucoup d'efficacité, car les mêmes constatations se reproduisent régulière-
ment à la réouverture de chaque saison, et voici le tableau que dix-huit ans plus tard,
dans les mêmes circonstances, un journal traçait du champ de bataille du Grand-Théâ-
tre (2) :
      « Le tapage qui marque les débuts n'est pas seulement au parterre. On siffle et on
applaudit partout en même temps. On se menace du parterre aux premières, et on se
bat aux secondes, ce qui est tout à fait divertissant pour les spectateurs paisibles. Enfin
le vacarme grandit au point qu'on est obligé de baisser le rideau sans finir la pièce ».
      Tandis que, de tous côtés, éclataient des vociférations, que se croisaient, en tout
sens, des protestations énergiques, formulées trop souvent en des termes d'où l'amé-
nité et même la plus élémentaire convenance étaient bannies, des billets étaient jetés,
par surcroît, sur la scène, et on exigeait que le régisseur vint les ramasser, en donner
lecture à haute voix, et promettre qu'il en serait tenu compte. Dans les dernières
années de la Restauration, sous la direction Singier, qui fut une des plus longues et
aussi des plus fructueuses que notre Grand-Théâtre ait connues, le régisseur s'appe-
lait Mathelon, et il était, paraît-il, un peu timide, un peu gauche, un peu lent à se
mettre en mouvement, et à répondre aux appels qui lui étaient adressés : « Allons
donc, Mathelon ! », lui criait ironiquement le parterre, et ce nom aux consonances
guignolesques était répété par toute la salle, au milieu des clameurs et des rires.
      Les réclamations ne portaient pas seulement sur le choix et le mérite des artistes.
Ce public était extraordinairement chatouilleux et exigeant. Il voulait de la variété
dans le répertoire, et si on ne déférait pas à ses désirs, il s'irritait et demandait, sur un
ton menaçant, que la direction vint s'en expliquer devant lui.
     « Violent tapage, avant-hier vendredi, écrivait le Précurseur dans son numéro du
16 septembre 1827. Un grand nombre d'abonnés, fatigués de la monotonie du réper-


   (1). Journal deLyon et du Midi du 15 mai 1821.
   (a). Courrier deLyon du 39 avril 1839.