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— 19 — ne zélée et de beaucoup d'esprit mais qui ne paraît pas être fort au fait de notre art. Evidemment, en sa qualité de décorateur, Oudry ne voulait voir dans la nouvelle école qu'une pépinière de dessinateurs et il soutenait, avec les pétitionnaires que, Lyon étant sur la route de l'Italie, « cela occasionnait, de temps en temps, le séjour de peintres habiles qui font les différents tra- vaux qui se présentent et qu'il est aisé de conclure qu'une grande quantité 'de peintres deviendraient inutiles ». Antoine Lacroix essaya de défendre son projet en entrant dans les vues de ses contradicteurs. « Cette académie publique, disait-il, donnera lieu à former dans le dessin une infinité de jeunes gens du peuple dans lesquels on aperçoit une inclination marquée pour cet art et qui restent sans secours par les dépenses qu'il faut faire. Ces mêmes jeunes gens, fils d'ouvriers fabricants devenus dessinateurs seront une ressource infinie à leurs familles et, connaissant mieux l'essence du métier, ils en perfectionneront l'ouvrage. Elle procurera aussi des grands peintres, des sculpteurs fameux, et d'habiles architectes. Mais les dessinateurs, qui semblent bien en cette aventure avoir été guidés par un parti-pris un peu étroit, objectaient qu'il était à craindre qu'en facilitant l'étude du dessin on n'augmenta par trop le nombre des dessinateurs. A quoi le chanoine répondait avec juste raison : « Plus on multipliera le nombre des dessinateurs et plus il y aura de variétés dans le goût. Lorsque, dans une ville aussi considérable que Lyon, on ne peut apprendre à dessiner qu'à grands frais, on enfouit nécessairement des talents que des leçons publiques et fournies par le prince feraient éclore ». Oudry, tout en prenant nettement parti pour les opposants, envoyait cependant aux promoteurs de l'école des conseils pour l'établissement de ses cours. Cette façon de ménager les deux opinions n'avançait guère l'œuvre. Mais Antoine Lacroix était d'un caractère tenace et infatigable, il ne reculait devant aucune démarche et entassait mémoire sur mémoires pour confondre ses contradicteurs. Pendant quelques années, la vie du bon chanoine fut totalement bou- leversée. Finies les journées de douce béatitude où, après avoir délicieuse- ment tâché à ciseler quelques belles périodes sur un sujet facile, il éprou-