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         CHRONIQUE DE LA CURIOSITÉ
                                    (Juin-septembre 1922)



    C'est vraiment la morte-saison : nous n'avons à signaler aucune vente artistique à
 Lyon ou aux environs ; vacances intégrales !
      Amateurs, soyez prudents. Méfiez-vous de la plupar tdes magasins d'antiquités
 de villes d'eaux ou de villégiatures ; vous êtes perdus si vous pensez rouler l'antiquaire
 ou simplement faire une très bonne affaire. Presque toujours l'objet est faux ou tru-
 qué et s'il est vrai — ce qui arrive — vous le payez beaucoup plus cher qu'il ne vaut !
 Si mon conseil arrive trop tard cette année, il garde toute sa valeur pour l'année pro-
 chaine.
      Il y a encore beaucoup de choses anciennes en France : j'en suis émerveillé *. J'ai
eu l'occasion de voir quelques intérieurs : dans les endroits les plus reculés on fait des
découvertes tout à fait inattendues. Je viens de visiter un château habité par son pro-
priétaire environ quinze jours tous les trois ans. Il est rempli d'objets anciens, littéra-
 lement de la cave au grenier. Tapisseries, meubles, sièges, tableaux, gravures, bibe-
lots, faïences, porcelaines se trouvent dans toutes les pièces et jusque dans les cham-
 bres des domestiques où l'on découvre des commodes et des secrétaires à fleurs, des
lits Louis XV sculptés sur les deux faces, et, à côté des lits, de petits meubles ravis-
sants en bois de rose, de forme rognon ou haricot et qui servent... à l'usage que vous
savez. Au reste, le propriétaire apprécie médiocrement ses trésors. Quand je lui ai dit
que cet ensemble représentait un million et demi, il n'a pas été très étonné et m'a
répondu un « Tant mieux » assez détaché. C'est cependant cent mille francs de rente
qui dorment et on ne peut même pas dire qu'il en profite.
      Et, à ce propos, je faisais les réflexions suivantes : Il faut approuver, respecter,
admirer certaines familles qui, bien que dans la gêne, conservent des objets anciens
d'un certain prix parce que, non seulement ces objets leur viennent de leurs ancêtres
et font partie, pour ainsi dire, de leur tradition, mais aussi parce qu'elles les apprécient,
les aiment, en un mot en jouissent.
      Mais j'avoue ne pas comprendre les personnes qui ne veulent vendre à aucun
prix, uniquement parce que ces objets ont toujours été là. J'ai vu un salon en tapisserie
ancienne d'Aubusson sur lequel les enfants et les petits-enfants s'amusent avec leurs
souliers boueux, sans que les parents aient l'idée de s'en étonner et encore moins de
s'en indigner. J'ai vu des tapisseries pourrir dans des greniers, ou servir de couver-
tures de chevaux, ou être utilisées comme sacs de nuit pour aller à la campagne. Il y a

    1. Et cependant que d'objets perdus, brûlés, brisés, détériorés, vendus à l'étranger.