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nal du Commerce insérait, le 16 janvier 1839, la lettre suivante, signée « Un commis-
voyageur » :
      « Permettez à un étranger de réclamer la voie de votre journal pour exprimer
publiquement la douloureuse surprise qu'il a éprouvée en assistant, bien malgré lui,
dans le café du Pavillon, à une parade qu'on ne tolérerait pas, certes, sur des tréteaux.
Entré par hasard dans ce café qui, par sa situation privilégiée, me faisait présumer
devoir n'être fréquenté que par des gens comme il faut, quel n'a pas été mon étonne-
ment en me trouvant, au milieu d'un brouhaha infernal, témoin d'une scène que je ne
saurais comment qualifier. Une femme s'est promenée, portant sur la tête une énorme
toile cirée surmontée d'une frégate armée d'un drapeau blanc ! Je ne ferais point ressor-
tir tout ce qu'il y a de ridicule pour une femme âgée et mère, dit-on, d'une nombreuse
famille, à se donner ainsi en spectacle comme les saltimbanques de carrefour ; mais je
demanderai comment l'autorité laisse arborer, chaque soir, dans un lieu public,
l'emblème d'un gouvernement qui n'est plus et faire ainsi un appel provocateur aux
excitations de la politique. Si un homme dévoué à nos institutions faisait ce que la
police aurait dû faire le premier jour et arrachait, de la tête qui le porte, un signe
évident de rébellion, je désirerais savoir ce que feraient les factionnaires dont est lardé
le café du Pavillon. Ne serait-il pas à craindre qu'ils n'arrêtassent celui qui aurait ainsi
fait acte de bon citoyen et qu'ils ne l'envoyassent expier au corps de garde tricolore
son antipathie légale pour le drapeau blanc... Veuillez insérer ma lettre, pour que la
publicité mette un terme à ce scandale que la police semble ignorer encore. Agréez... ».
     La « coalition » des limonadiers n'avait pas manqué de reproduire, dans son
Deuxième mémoire à S. E. le ministre de l'Intérieur, la plainte indignée du commis-
voyageur.
     En novembre 1839, la situation des Girard était désespérée. La reine fit une
dernière tentative et s'adressa à la générosité de ses sujets. Dans sa chronique de
novembre, la Revue du Lyonnais l'annonçait par cette note peu bienveillante : « M m e
Girard, la reine des Tilleuls, a répandu avec profusion un mémoire par lequel elle
nous apprend que son trône chancelle et qu'il est sur le point d'être emporté par une
révolution... du sol. Il est question, en effet, de la part de l'autorité, de raser son établis-
sement et de rendre à la circulation un emplacement qui en avait été distrait. M m e Gi-
rard prétend avoir moralisé les Tilleuls, si mal famés depuis Jean-Jacques Rousseau
jusqu'à l'époque où elle est venue y poser sa tente si pleine d'ombre et de fraîcheur.
Elle réclame, en raison de ce service, la bagatelle de 30.000 francs ! Les âmes charita-
bles sont priées de souscrire. Il y a un notaire chargé de recueillir les dons. On accepte
tout, depuis un franc jusqu'à mille. Cette somme de 30.000 francs est destinée à payer
les dettes de l'établissement et à indemniser les propriétaires. On ne peut refuser de
porter son offrande dans l'intérêt des créanciers et de la morale. C'est vraiment de
l'argent bien placé. Hâtez-vous donc, âmes charitables! ».
    Le mémoire en question dut être distribué à la fin d'octobre. Aujourd'hui raris-
sime, il est intitulé Appel d'une mère de famille menacée... de la plus affreuse indigence...