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Ionienne dont le premier échelon au trône fut le cadavre de son époux Ninus. M. Gi-
rard vit, il est gros et gras, il est justement fier des grandeurs de son épouse.
      « Une limonadière ambitieuse, qui a fait fortune, est jalouse des ovations succes-
sives dont la reine des Tilleuls a été l'objet ; elle veut une couronne. — « M m e la
« Limonadière, vous êtes riche, vous n'avez pas besoin d'assurer l'avenir de vos en-
« fants ; laissez à M m e Girard sa couronne. Elle est mère, elle a de petits princes à
« pourvoir et n'a point de Chambre des députés à qui elle puisse demander des apana-
 « ges ».
      Qui était cette rivale en perspective i Peut-être une invention de l'emphatique
rédacteur de l'Entr'acte qui continue à défendre la souveraine du Café du Pavillon. Le
 13 janvier 1839, son journal publie une troisième lithographie de Randon, où l'on voit
la reine des Tilleuls caracolant dans sa galerie, avec son piqueur et ses quatre valets de
pied, devant une foule de spectateurs et de consommateurs, tandis qu'au fond six
musiciens jouent sur une haute estrade. L'entrefilet commentant cette estampe est
intitulé « le Royaume des Tilleuls ». Il célèbre celle qui « s'est fait reine un matin de
printemps » ; cite un de ses mots familiers : « « Du haut de son cheval de bronze, Louis
XIV me regarde » ; admire « le magnifique cheval blanc sur lequel elle parcourt ses
royales galeries » et se termine par un éloge soigné de la cuisine de l'établissement.
      C'est surtout ce croquis de Randon qui a conservé le souvenir des cavalcades de
M m e Girard, car, à part l'Entr'acte, aucun périodique lyonnais contemporain ne
paraît les avoir signalées, de 1837 à 1840. Le Guide pittoresque de l'étranger à Lyon
« publié en 1839 » I 3 ne mentionne que les costumes de la reine :
      « Une idée neuve, originale, a surgi dans la tête de M m e Gérard (sic) qui, prenant
tous les soirs le costume des nobles dames de l'ancienne cour et la coiffure poudrée du
temps, entourée de laquais en livrée rouge et de jeunes pages, assise sur un trône
éclairé aux bougies, a le privilège d'attirer une foule compacte qui nécessite quelque-
fois d'avoir des factionnaires pour contenir le public trop nombreux qui se presse pour
entrer. Madame Gérard, qui est d'une taille élevée et noble, représente avec beaucoup
de dignité le rôle d'une reine ; tout Lyon parle de l'idée de Madame Gérard. Les uns
la blâment, d'autres l'approuvent, mais tout Lyon court jouir du mouvement et de la
vie qui régnent dans ce local ».
      Le Journal du Commerce du 28 octobre 1838 confirme, sans faire allusion au spec-
tacle, le succès de cette exhibition ; la veille, annonce-t-il, l'affluence a été si grande au
café Girard « qu'on a été, à plusieurs reprises, obligé de fermer les portes et d'inter-
dire la circulation ». On a, certainement, « refusé plus de 2.000 personnes ». De même,
le Courrier de Lyon parle, le 14 juin 1839, d'une rixe avec bris de verres et de vitres,
qui s'est produite, la veille, au Pavillon, « pendant que M m e Gérard faisait sa prome-
nade d'apparat dans son café, au milieu d'un grand concours de spectateurs ».
      Depuis l'inauguration de ses promenades, M m e Girard, inconnue jusque là, avait
passé au premier plan ; il n'était plus guère question de M. Gérard que comme d'une
sorte de prince-consort. Tout Lyon voulut voir la reine des Tilleuls et sa vogue fut

  13. D'après ]. Grand-Carteret, l'Enseigne, p. 298.