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enfants, dont le dernier avait à peine deux ans i La faillite menaçante ne l'avait-elle
pas poussée, elle qui soldait deux dames de comptoir, à faire elle-même au Pavillon
une bruyante et fructueuse réclame i
      Elle s'en défend avec indignation dans le mémoire justificatif qu'elle publia en
 1841 : « On a osé avancer que j'avais employé ce moyen extraordinaire pour attirer la
foule et que je jouais une farce pour faire recette ! Etait-ce donc pour faire de l'argent
que je donnais l'ordre de laisser entrer au salon, librement, tout un peuple de curieux,
en quelque nombre qu'il fût, sans exiger aucune rétribution i ».
      Et elle explique ainsi comment, un soir, et presque malgré elle, elle devint « la
Reine des Tilleuls » ; le chapitre est intitulé « Mon inspiration et mon prétendu
fétichisme » :
      « ... Mais les exigibilités arrivaient ; il fallait solder et les méchants faisaient
courir le bruit que bientôt je fermerais boutique... Un jour, je prie encore avec plus de
ferveur que de coutume ; je prie et je vois la face du roi-martyr que, depuis l'âge de
raison, je n'ai jamais cessé d'invoquer comme un saint placé près du trône de Dieu...
Et cette figure m'encourage, elle me dit de ne point désespérer. J'obéis et je vais me
placer, plus sereine, à mon comptoir, entourée de mes enfants, et la foule s'y presse
bientôt, et une colonne serrée traverse la vaste salle, et partout je n'entends prononcer
que le nom du malheureux roi... Pourquoi cette foule, pourquoi cet empressement?'
D'aucuns ont dit qu'on avait trouvé quelque ressemblance entre mes traits et ceux de
l'auguste victime... D'autres ont cru voir aussi quelques rapports avec Marie-Antoi-
nette ».
      « Enthousiasmés de l'élégance donnée au Pavillon, de la régularité du service, de
la divine harmonie qu'ils y entendaient, de la majesté qui, dit-on, régnait au comptoir ;
surpris, presque fascinés par les rapprochements qu'ils faisaient de ma personne...
avec des êtres pour lesquels ils ont toujours professé le respect, la vénération mêlée de
regrets incessants, les Lyonnais, un jour qui me sera présent toute la vie, par une
acclamation dont les derniers retentissements semblent encore frapper mes oreilles,
me proclamèrent Reine des Tilleuls ».
      « Mais le public, pas plus que les individus, ne donne rien pour rien en matière de
plaisirs et de jouissances. Ils voulurent, ces Lyonnais qui venaient de poser la couronne
sur ma tête, me faire payer ma royauté! A cheval ! à cheval ! me dirent-ils, à chevall et
je dus obéir, car ils ne paraissaient plus vouloir se contenter de la ronde que je faisais
solennellement, chaque soir, tout autour de la salle, en tenant mes deux enfants par la
main, pour remercier les assistants de l'intérêt qu'ils portaient à ma maison ».
      Madame Girard affirme d'ailleurs qu'elle n'a jamais cru « être métamorphosée en
reine réelle ». « Je n'ai jamais perdu de vue (dit-elle) que le trône de la Reine des
Tilleuls n'avait pas d'autre base que les fourneaux du laboratoire d'un café ». Elle
qualifie de « stupide » l'opinion de ceux qui ont prétendu « qu'à l'aide d'une métempsy-
cose renouvelée... des extravagances de Cagliostro, Louis XVI et Marie-Antoinette se
sont incarnés en (sa) personne ».
      Il paraît bien invraisemblable que M m e Girard n'ait fait qu'« accepter gracieuse-