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— 92 — C'est en 1851 que commence la correspondance de Peladan avec Paul Gariel, avocat à Grenoble (1827-1891), catholique et légitimiste comme lui, à l'occasion peut- être du journal le Messager Dauphinois dont s'occupait P. Gariel 3 . De Nîmes, Peladan se plaint à son correspondant de l'apathie générale. Pas un homme d'action dans le parti ! Les légitimistes absolus, les partisans du Droit divin — ceux qu'il appelle « les Burgraves » — veulent sacrifier la France à leurs ambitions ; les « Fusionnistes », ceux qui rêvent un rapprochement entre Bourbons et Orléans, sont de grands coupables — il dirait presque des traîtres. Il ne peut croire que le comte de Chambord ait formelle- ment désavoué le principe du Droit National par la circulaire du 30 août 1850. Si le prince a agi de la sorte, c'est qu'il est mal conseillé... Mais, bientôt après le coup d'État, l'Etoile du Midi est supprimée par Louis Bo- naparte, et Peladan, découragé, part avec sa femme et son fils pour Paris, où il vivra de leçons données à des candidats bacheliers. C'est de Paris qu'il écrit, le 3 novembre 1852 : « Je vous confirme ma retraite absolue de la politique. Il n'y a plus de politique, d'ailleurs. Paris est trois choses différentes : peuple, marchand, polkeur. Peuple, on l'a rendu sceptique à force des comédies. De là la somnolence qui le captive. Marchand, les affaires se font. Vivat ! vivat !, s'écrient les boursicotiers, les industriels. Enfin Paris est polkeur ; hé bien, qu'est-ce qui gêne les intrigues, les orgies, les jouissances, les folles joies ; c'est à qui mieux mieux dans cette foule de gens d eplaisir et de débauche. Bref Paris dort, gagne, jouit; c'est tout. D'un autre côté l'Empire étale ses bannières. Encore un décret, puis un petit appel au peuple, et tout sera dit, Napoléon III aura escamoté la République.... Je n'ai pas encore repris ma plume. J'avais à aviser à ma position et cette pensée m'a absorbé jusqu'ici. J'ai déjà plusieurs leçons pour des élèves au bacca- lauréat ». Sa plume, il ne tarde pas à la reprendre et, en 1856, il vient, avec sa femme et leur fils Adrien, s'établir à Lyon 3 où il va vivre quatorze ans et où il créera bientôt un pério- dique qui, dans sa pensée, sera l'Étoile du Midi « disant ce qu'elle peut ». 2. Paul Gariel, né à la Tronche en 1837, m o r t à Grenoble le 14 novembre 1891, était le fils d'un juge au Tribunal de cette ville, démissionnaire en 1830. Paul Gariel qui fut docteur en droit et avocat à la cour de Grenoble, prit une part active au mouvement légitimiste, collabora à la Gazette de France, à l'Union, au Moniteur universel, au Messager Dauphinois (qui parut, à Grenoble, du 13 avril 1851 au 16 août 1857), à la France littéraire de Peladan. Il fut, en 1868, un des fondateurs du journal lyonnais la Décentralisation. (d'après une obligeante communication de son fils, M. Georges Gariel, professeur à la Faculté de droit de Fribourg). 3. Dans l'Oraison funèbre du chevalier Peladan par JoséphinPeladan (Paris, Dantu, 1890, p. 19 et s.) ce dernier rappelle que son père, à qui M. de Genoude réservait la direction de la Gazette de France, fut à Paris, écarté de l'Univers par Veuillot ; qu'il refusa d'être directeur de {'Officiel, situation que le duc de Morny lui avait fait offrir... « Ceux-là même de son parti (dit le Sà r) refusaient son épée... le chevalier quitta Paris et vint dans la seconde ville de France, béatement endormie, la réveillant de ce cri : « Décentralisation ! Utopie généreuse, extraordinaire effort dont Lyon a perdu le souvenir ».