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— 68 — siennes du chevalier romain Pompeius Paulinus I et la prospérité du com- merce arlésien sous l'Empire, on commence par supposer que Pompeius Paulinus I a été désigné au choix du Prince, pour la préfecture de l'Annone, par le développement et la réussite antérieurs de ses entreprises privées. Je n'hésite pas, pour ma part, à l'inscrire au nombre de ces puissants armateurs dont les deux grandes corporations, les Utricularii Arelatenses et les Navicularii marini Arelatenses, trustaient respectivement le transit fluvial sur le Bas-Rhône et ses affluents et le transit maritime de la Gaule avec la Méditerranée jusqu'à Beyrout, où une inscription, découverte en 1899 et datée de l'an 201, a décelé leur présence et manifesté leur activité au service de l'Annone I. A nul plus qu'à lui, brasseur d'affaires absorbé par les soucis dévorants de sa flotte et de ses marchés, il n'était besoin de démontrer la briè- veté de la vie, la valeur du recueillement et de la spéculation désintéressée. Sénèque a vanté les joies idéales de la retraite contemplative et le prix in- comparable de Votium philosophique à un negotiator qui, au labeur, aux préoccupations que lui imposaient la gestion particulière de ses capitaux 3 et le succès personnel de ses combinaisons mercantiles, avait ajouté la terrible responsabilité publique de la subsistance du monde romain 3 : in tranquillio- remportumrecede*... Cogita,Pauline, quotfluctus subieris,quot tempestatespar- timprivatas sustinueris, par tint publicas in te converteris 5. L'appel de Sénèque s'adresse, non seulement au préfet de l'Annone que Paulinus est devenu — partim publicas in te converteris —, mais au naviculaire arlésien qui n'a pas cessé de trembler pour le sort de ses propres navires et de leurs cargaisons : quot tempestates privatas sustinueris. Cette adjuration fut-elle entendue ? on en peut douter. Mais elle n'a pas déplu à Paulinus, s'il est vrai que Sénèque l'ait produite en cette année 49 où, rentré d'exil et en faveur à la cour, il a épousé, pour ses secondes noces, une Pompeia Paulina 6 que Tillemont croyait la fille du légat de Ger- 1. Cf. la bibliographie de cette inscription ap. C , p. 209, n.i. On trouvera dans les pages qui précèdent et qui suivent une bonne mise au point de tous les documents concernant les utriculaires et les naviculaires d'Arles. 2. Ci.De brev. vit., XVIII, 3 : tu quidem orbis terrarum rationes administras.-, tam diligenter quam tuas. 3. De brev. vit., XVIII, 4 : ut tibi multa milia frumenti committerentur... (5)... cum ventre tibi humano negotium est. 4. De brev. vit., XVIII, 1. 5. Ibid. 6. M. R. Waltz a essayé d'ébranler la théorie généralement reçue du double mariage de Sénèque (Rev. des Et. anc, VII, 1905, p. 223 et suiv.). Mais il y aurait mauvais goût à adopter une thèse qu'il a été le pre- mier à ne plus défendre dans sa Vie politique de Sénèque; Paris, 190g, p.71, n. 1. Voir en dernier lieu, la note de A. Bourgery dans son édition de De Ira, XXXVI, 3.