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     « Pour ma part, j'ai souvent à réimprimer d'anciennes poésies, et ce
travail me cause chaque fois un singulier malaise ; je ne peux pas reconnaî-
tre dans mes pages d'épreuves ces vers qui me semblent tout autres dans les
éditions de la belle époque. Cette orthographe qui jadis fut la bonne, ces
expressions et ces tournures dont je ne suis pas choqué si je les vois dans des
bouquins jaunis, deviennent autant d'énigmes pour moi dès que je veux les
reproduire avec nos caractères modernes sur un papier bien blanc et bien
satiné. La Louise Làbé, que j'ai imprimée en 1824, me fait l'effet d'un faux et
me cause un remords ; pour retrouver la Belle Cordière, il faut la rechercher
dans les éditions de Jean de Tournes.
      « Voilà pourquoi, Monsieur, j'ai essayé ces essais si imparfaits encore
mais que j'espère améliorer. Je veux réparer mes torts et donner à l'avenir
mes réimpressions plus intelligibles et plus vraies, en dépit de la mode. Nos
poinçons d'aujourd'hui, si nets, si corrects, si régulièrement alignés, si
mathématiquement symétriques... ont leur mérite, sans doute, mais je vou-
drais les réserver à l'impression des rapports sur le chemin de fer.
      « L'Ecole Polytechnique a marqué sur toutes les choses de notre temps,
grandes ou petites, l'empreinte de son caractère exact, mais froid, rigide,
absolu, tandis que chez nous, à la naissance de l'imprimerie, les arts étaient
sous l'influence des écoles italiennes, inspirées elles-mêmes par l'étude de
l'antiquité.
      « De là la différence ».


      Vous le savez mieux que moi, Messieurs, un caractère typographique,
quand il ne ressortit point à la fantaisie pure, quand il n'appartient pas au
genre des Auriol, des Giraldon ou des Bellery, échappe à l'analyse ; celui de
Perrin est d'un classique trop sûr pour être décrit, plutôt pour donner prise
à une longue description ; c'est son ensemble qui plaît, à cause de sa grâce ;
ses lettres, à cause de la pureté de leur ligne ; c'est cet « on ne sait quoi » qui
fait que les formes les plus banales deviennent distinguées entre de certai-
nes mains. Les lettres de Perrin le furent infiniment. Artiste dans toute la
belle acception de cette expression, il avait compris, bien avant que Pelletan
ne fût né, ce qu'il y a de choquant dans cet anachronisme : un Ronsard, par