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On verra notamment de quelle manière la Cour suprême a éliminé, pièce par pièce,
le Sherman Act, qui devait briser l'action envahissante des trusts, simplement en
l'interprétant à la lumière des règles générales établies par le Common law (i) ;
comment, après avoir émoussé jusqu'à la rendre absolument inoffensive cette arme
de combat destinée à lutter contre les coalitions du capital, la Cour suprême a pu
s'en servir pour entraver l'action du syndicalisme ouvrier (2) ; comment, enfin,
les dispositions du Clayton Act, qui avait voulu, en réagissant contre l'attitude des
tribunaux, protéger les organisations ouvrières, ont été à leur tour presque totalement
écartées (3).
      Alors, on comprendra cette déclaration d'un auteur américain, reproduite par
M. Lambert, et qui peut servir de conclusion à la partie descriptive de son travail :
« Quand quelqu'un a autorité absolue pour interpréter des lois écrites ou orales,
c'est lui qui est en réalité le législateur à tous égards et à toutes fins et non pas la
 personne qui, la première, les a écrites ou prononcées (4) ».



                                                  E

      Le travail de M. Lambert, dont nous avons donné un résumé bien incom-
plet, doit nous suggérer d'utiles réflexions.
      Tout d'abord, les phénomènes qu'il éclaire d'un jour si saisissant et qui, nulle
part mieux qu'aux Etats-Unis, se laissent constater avec autant de certitude, n'ont-ils
pas chez nous une importance qui, pour être moins prépondérante, n'en est pas
moins digne de toute notre attention ? Le Judiciaire n'exerce-t-il pas une influence
constante et souvent profonde sur les textes législatifs? Que l'on prenne, par exemple,
les lois rendues par le Parlement depuis une trentaine d'années ; que l'on se donne
la peine de suivre pas à pas l'interprétation que les tribunaux en ont fournie, et
l'on constatera quelles différences séparent l'état du droit actuel du texte primitif.
Et cela, d'autant plus que trop souvent hélas ! les lois nouvelles sont l'objet d'une
préparation insuffisante, et que leurs dispositions se laissent mal rattacher à la
technique juridique consacrée par nos codes centenaires et sous l'empire de laquelle
nous vivons encore aujourd'hui (5).
      N'est-il pas vrai aussi que ce travail d'adaptation ou de révision se fait chez;
nous, comme aux Etats-Unis, dans un sens nettement conservateur? Le portrait

    (1) Lambert,   p. 140 et sq.
    (2)   id.      p. 160 et sq.
    (3)   id.       p. 166 et sq.
     (4)   id.      p. -57.
     (5) La loi du 25 mars 1919 sur les Conventions collectives de travail fournit un exemple excellent
de l'opposition de la technique ancienne à la réalisation de certaines réformes.