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nalité dans les faits, et du reste, d'après ce qu'il raconte lui-même, il ne
fut jamais détrompé complètement. Il s'empressa donc, sans prévoir dans
quels embarras et dans quelles angoisses le jetterait cette première conces-
sion, d'avertir sincèrement son collègue qu'il instruisait le gouverneur
de Rome et lui demandait de détacher une compagnie de sbires, sous un
chef habile, afin de se saisir des prévenus et de les placer sous verrous.
Vernègues, en effet, n'était pas seul à avoir éveillé les soupçons de la
justice ; on lui associait un compatriote, plus connu que lui, M. de la
Maisonfort, déguisé sous le pseudonyme de Descours, et un troisième
compagnon de tourisme et de propagande légitimiste, soit le comte d'Ava-
ray, soit un allemand dont l'état-civil n'avait pas été éclairci.
Dès l'ouverture des pourparlers, une déception imprévue frappa
Fesch dans sa confiance ; les visites domiciliaires furent infructueuses ;
les agents lancés à la piste des deux voyageurs avaient fait buisson creux;
soit maladresse, soit mauvais vouloir et sabotage intentionnel, ils n'avaient
récolté que des racontars légers et contradictoires. Mais parce qu'à la
première donne le principal atout manquait à son jeu, notre plénipoten-
tiaire ne voulut pas renoncer à continuer la partie et à la gagner ; il mit de
suite en campagne des racoleurs à ses gages et insensiblement un peu de
lumière le tira de son ignorance ; il apprit, à n'en pas douter, qu'après
six semaines de séjour et plusieurs entrevues avec les frères de Mgr di
Pietro, Descours avait pris le chemin de Florence toujours en compagnie
de son même ami, qui n'était point un Allemand, comme le bruit en avait
couru, mais le prince russe Olgorowski (6). Ils s'étaient présentés ensemble
à la légation française, six semaines auparavant, muni d'un passeport
délivré par le ministre Acton, et ils avaient demandé qu'on leur en visât
un très régulier, antérieur à celui-ci, que Cacault avait signé et scellé.
Une réponse du général Clarke, communiquant une enquête de Mozzi,
secrétaire des Affaires extérieures en Toscane, confirme ces indications
sommaires, et, toujours d'après les mêmes officieux, on annonçait la
fuite de Vernègues dans le nord de la Péninsule ; mais ils n'avaient point
eu vent de ces entretiens avec le comte de Blacas, le comte d'Avaray,
Joseph de Maistre, et ils n'en soufflaient mot. Cependant, si son Eminence
eût daigné témoigner quelque condescendance à ses secrétaires, ne pas