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  notre influence. En tout cas il paraît impossible du point de vue fran-
  çais de ne pas tirer ces conclusions peu optimistes de la récente consul-
  tation électorale grecque.
       La versatilité des électeurs grecs a montré qu'on avait certainement
  commis, en fondant sur la constance de la Grèce toute la politique orien-
 tale, une erreur psychologique. Mais n'a-t-on pas commis d'autres erreurs ?
  N'a-t-on pas oublié que la géographie a des droits qu'il est prudent de
 ne pas mépriser? Il suffit de jeter sur la carte un coup d'œil rapide pour
 se rendre compte du paradoxe géographique auquel on a abouti. La Grèce,
 telle qu'elle a été constituée par les traités de Neuilly et de Sèvres, d'une
 part pousse jusqu'aux portes de Constantinople une pointe d'avant-
 garde qui l'installe dans la Marmara, de l'autre, traversant l'Egée, elle
 prend pied à Smyrne et à Aïdin, en Asie mineure, où elle reste accrochée,
 cramponnée, pourrait-on dire, à la mer. A-t-on réfléchi aux conséquences
 d'une pareille constitution géographique? Tout d'abord on ne peut pas
 regarder comme des frontières définitives ces avancées faites de part et
 d'autre vers Constantinople. Ce sont évidemment, pour les Grecs, des
 positions stratégiques d'attente, en vue d'une nouvelle progression.
       Ainsi partout, dès qu'on examine les conséquences de ce traité de
 Sèvres, on y retrouve des germes de guerre future. D'autre part, en atten-
 dant de reprendre sa marche vers la Ville, objet de ses convoitises et de
 ses espérances, à supposer que le souffle ne lui manque pas, comment la
 Grèce se maintiendra-t-elle dans ces postes avancés si mal reliés au
 corps même du pays? En Asie Mineure ce serait une lutte constante
contre la pression venue de l'intérieur ; sur la côte européenne de la
mer Egée songe-t-on aux relations difficiles et précaires entre Athènes et
Dedeagatch, à ce long ruban de chemin de fer à voie unique, qu'on peut
couper si aisément et qui seul assure les communications à cette frontière
qui s'étire en une longue ligne depuis Florina jusqu'à Andrinople? Et
cette frontière traverse les régions les plus âprement disputées, théâtre
incessant de guerres et de soulèvements. Il ne convient pas d'être prophète
de malheur, ni de prévoir l'éternel renouvellement des guerres. Cepen-
dant peut-on oublier que la Bulgarie aspire à la mer libre, qu'entre elle
et la Grèce la haine est héréditaire et traditionnelle ; peut-on oublier