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Dans ces conditions, la popularité survivante du souverain exilé était
un atout magnifique aux mains des adversaires de M. Venizelos. Ils
surent d'ailleurs s'en servir magistralement.
Ils trouvaient des auxiliaires précieux et actifs dans la classe des
politiciens de tout ordre. Ceux qui vivent de la politique sont nombreux
en Grèce. Il y a à cet égard une tradition antique qui est restée très
vivante. Au fond, pour tous ceux-là , M. Venizelos devenait fort gênant.
Avant qu'il ne surgît sur la scène politique, c'était le temps béni, l'âge d'or
pour les politiciens. C'était le moment où l'instabilité ministérielle était
la règle même du gouvernement hellénique. L'Europe voyait défiler
devant elle des ministères variés entre lesquels elle n'apercevait pas tou-
jours de grandes différences. M. Théotokis remplaçait M. Delyannis,
puis à point nommé survenait M. Dragoumis à moins que ce ne fut
quelque autre politicien, et chacun des chefs de gouvernement amenait
sa clientèle avec lui, renouvelait les fonctionnaires, prodiguait à son entou-
rage des faveurs jusqu'au jour où une nouvelle combinaison permettait
à de nouveaux favoris de profiter des sourires du pouvoir. C'était le
régime des chefs de parti, des Kommatarques, ces partis ne représentant
pas une idée, une doctrine, une politique, mais un homme, une agglo-
mération d'intérêts, un syndicat de convoitises. M. Venizelos avait changé
tout cela : il s'était imposé aux partis en décomposition qui avaient fini
par lasser l'opinion publique de leurs éternels changements. Il avait
réalisé sa grande idée de l'Alliance des peuples balkaniques. La guerre
était survenue, puis la gloire : la stabilité ministérielle avait remplacé
la perpétuelle agitation. Le pays y gagnait, mais plus d'un politicien
au fond des « dèmes » grecs regrettait le vieux temps où on péchait en
eau trouble électorale, où on pouvait espérer d'un changement de minis-
tère quelque avantage appréciable, faire acheter son concours ou sa
neutralité. Or ces politiciens avaient conservé le contact direct avec les
électeurs par les organisations politiques qui, en Grèce, ont une certaine
force. M. Venizelos les dépassait de toute sa hauteur d'homme d'Etat,
il les gênait. Dès qu'ils virent la possibilité de le diminuer dans l'esprit
des électeurs, ils ne manquèrent pas de s'en donner à cœur joie. Ils
avaient d'ailleurs de leur point de vue apprécié juste la situation. Voici
Rev. Lyon. 7