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      On sait ce que sont en général ces missions militaires envoyées en
pays étranger. Ce sont des missions d'instruction, les officiers qui les
composent sont tous plus ou moins des conseillers techniques dont on
prend parfois l'avis, dont on écoute poliment les conseils, mais que l'on
s'efforce de confiner autant que possible dans ce rôle un peu effacé et
en tout cas peu agissant. C'est que la susceptibilité des petites nations
en cette matière est grande, que la vanité de ceux qui dirigent leurs orga-
nismes administratifs est plus grande encore, d'autant plus grande,
pourrait-on dire, que ces organismes sont manifestement plus insuffisants.
Les missions militaires à l'étranger se heurtent tout de suite à ces suscepti-
bilités et à ces vanités, et leur rôle se réduit bien vite à un rôle de pure
représentation. Les membres de ces missions, après quelques luttes
courtoises pour essayer de prendre pied et de faire œuvre utile, se
lassent généralement assez vite et se résignent à accepter les avan-
tages tangibles de leur situation tout en se lamentant sur l'inutilité de
leur rôle.
     C'est ce que ne voulut pas M. Venizelos quand il fit appel à la mission
du Général Eydoux, et quand on songe au froissement qu'en dut éprouver
l'amour-propre grée, il faut admirer vraiment la force de sa volonté.
Il mit l'armée grecque sous le commandement d'officiers français. Le
Général Eydoux eut le commandement effectif de l'armée grecque et
M. Venizelos ayant à dessein pris pour lui le ministère de la guerre pour
être sûr qu'aucun obstacle ne lui serait sournoisement créé, le Général
Eydoux succéda directement au prince Constantin ; l'Intendant Bonnier
eut la direction de tous les services administratifs de l'armée et put les
réformer au gré de sa pensée lucide et pénétrante. Les autres officiers de
la mission reçurent de même des commandements effectifs : directions
au ministère de la guerre, commandement de divisions ou de brigades.
On sait que c'est à cette vue si juste des choses que l'armée grecque qui,
en 19io, était en si fâcheux état, dut de se relever et de pouvoir, dès
octobre 1912, faire bonne figure au cours de la guerre balkanique. M.
Venizelos fut donc justifié par l'événement comme il le fut plus tard,
quand il se rangea dès le début de la guerre du côté de l'Entente. Ce
qu'on veut surtout marquer ici c'est la clarté de sa vision et l'énergie