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326                        NATALIS RONDOT

   On est surpris de trouver chez un jeune homme, presque
encore un enfant, des goûts si prononcés pour une science
alors à son berceau et bien peu faite pour captiver une ima-
gination de dix-huit ans. Cette étude avait été dictée à
Natalis Rondotpar une affection toute filiale pour l'éminent
économiste. Depuis longtemps, les familles Say et Rondot
entretenaient de très amicales relations; elles remontaient
au temps où M. Cyr Rondot faisait partie de la maison
Chevreux-Aubertot. M. Horace Say, fils de J.-B. Say et
père de Léon Say, avait épousé une demoiselle Chevreux.
L'amitié qui avait existé entre M. Horace Say et M. Cyr
Rondot, se continua chez leurs enfants. Natalis Rondot et
Léon Say furent liés d'une inaltérable amitié ; elle ne finit
qu'à la mort de ce dernier, qui précéda son ami de quelques
années dans la tombe.
   Plus âgé de cinq ans que Léon Say, Natalis Rondot s'était
érigé en mentor de son jeune ami. Outre l'excellent
exemple qu'il lui donnait par son application et son assiduité
au travail, il ne lui ménageait pas les bons conseils. Léon
Say les recevait avec une affectueuse déférence ainsi que le
témoigne la jolie lettre suivante :

            Mon cher Natalis,
   Ta bonne et longue lettre m'est arrivée aujourd'hui. Elle m'a fait
grand plaisir parce qu'elle m'annonçait ta convalescence. Tu seras bien
faible ce me semble prenant des bains si longs, mais tu viendras te
reposer ici dans quatre ou cinq jours, j'espère.
   Je ferai ce que tu me dis pour la géométrie et, quoique j'aie moins
travaillé cette semaine, je me suis appliqué à ce que j'ai fait et M. Fran-
cœur sera content de moi. je pense. Mon travail de latin a été aussi
bien cette semaine et M. Maurice est content de moi.
   C'était hier le 6 juin, j'ai eu quatorze ans au moment de me mettre
à table, mais je suis encore un homuscule, un diminutif, comme dit
mon oncle Al. Sav.