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466 MADAME ANTON1A BOSSU Il nous resterait pour achever cette étude de rechercher quelles influences ont contribuer à former l'âme et le talent du poète d'Au fil de l'Eau ; nous déterminerions peut-être sans peine que les trois écri- vains qui ont agi le plus directement sur elle sont le poète des Har- monies, celui des Vaines Tendresses, et enfin Rodenbach. Qu'elle aima l'œuvre des deux premiers, c'est ce qu'il est facile de voir en la lisant ; de Lamartine, sur lequel elle a du reste écrit des pages charmantes, elle avait l'adoration panthéistique de la nature, l'âme rêveuse, l'idéal d'amour, communion plutôt que passion ; de Sully- Prudhomme elle avait la sensibilité et aussi le vers nourri de moelle philosophique ; de tous deux la conception aristocratique de la vie et de l'art. Mais ce n'est pas sans en goûter profondément le charme triste et poignant, le vers fluide, qu'elle lut le poète des « Vies encloses » et celui-ci eut sans doute signé ce quatrain des Larmes blanches : C'était un jour d'automne idéalement gris, D'un gris doux, d'un gris pur, d'un gris flou, d'un gris pâle ; D'un gris couleur de perle inclinant à l'opale D'un gris fouetté d'azur, ouaté de blancs exquis. Mais plus encore que l'influence de ces maîtres M mc Bossu subit celui du ciel lyonnais. « Elle incarne, à dit G. de Fusty, l'âme lyonnaise dans ce qu'elle a de plus subtil et de meilleur ; » elle possède en pré- cieux don ce sens du mystère qui est la marque de tous nos grands artistes lyonnais, des Ballanche aux Puvis de Chavannes. « Elle connaît l'idéalisme ardent et inquiet des poursuivants d'inconnu, des rêveurs. » Comme tous ceux qui sont nés au pied de la mystique colline de Fourvière, entre le Rhône profond et la Saône caressante, elle est poursuivie par la pensée de l'an delà , et « a bâti sur les hauteurs le temple de son art. » Elle est bien à nous, et nous serions heureux que le Caveau, dont elle fut membre, prît l'initiative d'un buste à placer auprès de relui des autres poétesses lyonnaises que nous citions en débutant. Résumons-nous : l'auteur voit la nature d'un œil juste ; celle-ci se reflète dans son œuvre en de jolies images. Le symbole abonde dans son