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MADAME ANTONIA BOSSU 461 reproche d'être parfois trop poétique, trop fleurie, et d'y perdre ainsi un peu de force, de nervosité. En même temps que le champ de sa collaboration s'étendait, d'autres succès venaient consacrer aux yeux de tous son talent de poète. C'est en 1878 l'œillet d'argent obtenu aux Jeux floraux avec la belle trilogie de sonnets : La Lumière. Dans l'article qu'il lui a consacré (Revuedu Siècle, mai 1898), M. Aimé Vingtrinicr, le savant bibliothécaire de la Ville, raconte comment la distribution des jeux floraux fut pour M mc Bossu, qui y récita elle- même ses sonnets, l'occasion d'un véritable triomphe. Elle devait encore connaître deux autres de ces jours qui laissent sur l'à me des poètes un rayon de joie glorieuse ; c'est la soirée donnée en son honneur par le Caveau lyonnais, et l'inoubliable matinée où, devant la statue nouvellement dévoilée de Pierre Dupont, dans le calme jardin des Chartreux où le printemps mêlait son frisson aux chants des oiseaux, M. Fenoux, de la Comédie-Française, dit les belles strophes de VOà e à Pierre Dupont, et 011, aux applaudissements de tous, M. Roujon attacha à la poitrine de l'auteur, le ruban violet. Quand je dis attacha, je me trompe, c'est nous qui eûmes la joie et l'honneur de placer à cette boutonnière, qui les méritait si bien, les premières palmes. Faitre temps, la publication du beau livre Au fil de l'eau, avait porté le nom de M mc Bossu bien au delà des limites lyonnaises, et la presse avait fait à cette oeuvre un succès unanime. N'avions-nous pas raison de dire que la mort prend M m c Bossu en plein talent, en plein succès ? A cette âme profondément féminine ne devait manquer ni les déceptions, ni les froissements qui abondent dans les chemins où marche l'écrivain, mais quelles qu'en aient été les amer- tumes, n'est-ce pas une destinée heureuse que celle du poète qui sut en si peu de temps moissonner tant de lauriers, se gagner de si profondes sympathies intellectuelles et qui disparaît sans avoir connu la déchéance physique et morale, dont la mort n'est qu'une ascension plus rapide vers ce Bien idéal auquel elle tendait sans cesse; et qui enfin laisse une oeuvre assurée de vivre. * * * Au fil de VEau a vraiment toutes les qualités qui font les oeuvres : forme parfaite, variété dans les rythmes, idées élevées, sentiments délicats et profonds, émotion, unité d'idéal.