page suivante »
r LA PLÉIADE FRANÇAISE 74 IX Tout aussi tôt que je commence à prendre Dans le mol lit le repos désiré Mon triste esprit, hors de moy retiré S'en va vers toy incontinent se rendre. Lors m'est avis que dedens mon sein tendre Je tiens le bien, ou j'ay tant aspiré Et pour lequel si haut j'ay soupiré Que de sanglots ay souvent cuidé fendre. 0 doux sommeil, ô nuit à moy heureuse, Plaisant repos, plein de tranquillité, Continuez toutes les nuiz mon songe, Et si jamais ma poure âme amoureuse, Ne doit avoir de bien en vérité Faites au moins qu'elle en ait en mensonge! ( i ) On conte que la fortune fut clémente à « sa pauvre âme amoureuse; » et, sans essayer ici de surprendre, après trois cent cinquante ans écoulés, le secret de son bonheur, on peut dire du moins que, rarement, la reconnaissance de ces plaisirs mêlés de larmes qui sont quelquefois tout l'amour, se traduisit en termes d'une mélancolie plus passionnée. XIV Tant que mes yeus pourront larmes espandre A l'heur, passé avec toy, regretter Et qu'aus sanglots et soupirs résister Pourra ma voix et un peu faire entendre ; Tant que ma main pourra les cordes tendre Du mignard Lut, pour tes grâces chanter; Tant que l'esprit se voudra contenter De ne vouloir rien fors que toy comprendre ; (i) L'orthographe est celle de la réédition de 1853, Paris, Simon Racon.