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222                      ENFANTILLAGE

duire aux pièces et remplacer momentanément les canon-
 niers absents ; au premier appel les mobiles du Rhône
 affluèrent auprès des batteries. Ils servirent les pièces, sous
le contrôle des officiers, avec un zèle et un sang-froid qui
furent fort admirés par le commandant de l'artillerie, le
capitaine de la Laurencie ; ce qui permit d'attendre, en
ripostant aux coups de l'ennemi, le retour des canon-
niers.
    Ce bombardement, au lieu de nous effrayer, provoqua
chez nous une folle gaîté : les lazzis pleuvaient en aussi
grand nombre que les obus allemands; les boutades, aussi
plaisantes que railleuses, se croisaient au milieu des
groupes; la gaminerie lyonnaise paraissait affolée par ce
nouvel incident. Cependant, comme le froid sévissait et
qu'il ne faisait pas bon rester immobile, le nez en l'air, à
compter les projectiles, mais que pourtant, semblables à
des enfants, nous ne voulions rien perdre de la vue de ce
spectacle tout nouveau pour nous, l'idée vint à quelques
camarades postés sur une petite place, située à peu de
distance de l'ancien martinet des Forges, de faire une partie
de barres. La proposition fut acceptée avec enthousiasme et
une folle partie s'organisa comme au collège, avec les rires,
les courses, les gambades et les cris en usage dans ce jeu
juvénile.
    Tout à coup nous aperçûmes, à la crête de l'Arsot, un
grand nombre de soldats allemands qui nous regardaient.
On se demande encore ce que ces ennemis pouvaient bien
penser de notre gaîté et de notre insouciance en face d'eux,
dans le cercle de fer et de feu infranchissable au milieu
duquel ils nous enserraient chaque jour davantage, et sous
la pluie de bombes et d'obus que leurs batteries lançaient
sur nos têtes !