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CHRONIQUE D'AVRIL I9OO 399 là des bribes, interrogeant des officiers, d'anciens soldats ayant servi jadis sous ses ordres, enfin quelques vieux Lyonnais, ses contemporains. Mais M. Vingtrinier ne s'est pas contenté de compiler; il a su tirer la philosophie de l'œuvre et en faire surgir une grande figure qui sort du grotesque sous lequel voulait l'étouffer la légende. Il rit volontiers de « Castellane le Bossu » comme on riait jadis de la « Chanson de M. de La Palisse », sans que cette satire diminuât en rien la haute valeur du maréchal de Chabannes de la Palisse, gouverneur lui aussi de Lyon, soldat sans peur et sans reproche, qui payait de ses deniers la solde de ses troupes. Il se dégage de l'étude de M. Vingtrinier un mâle carac- tère; Castellane redevient l'organisateur de l'armée, adorant ses soldats, aimant ses officiers et soucieux de leur honneur au point de leur imposer une discipline de fer comme une sauvegarde ; c'est même un prophète, qui ne mâche pas la vérité à l'Empereur, prédit nos désastres de 1870 et entre- voit, à l'occasion de la guerre de Crimée, qu'il déplore, l'alliance franco-russe, sur laquelle nous nous appuyons aujourd'hui ; c'est enfin le bravequi mord son frein, quand on le condamne à voir ses belles troupes quitter Lyon pour l'armée d'Italie et à rester toute sa vie, comme il le dit avec un trait d'esprit qu'on ne connaissait pas au maréchal, l'éternel « Cuisinier de la gloire des autres. » Lisez la Légende de Castellane ; elle sera pour vous une distraction charmante et une source d'enseignement. C'est cet amour de l'inflexible discipline, qui protège l'officier dans son honneur, même quand elle semble l'étouffer, que nous retrouvons dans une œuvre excellente que notre compatriote, Georges de Lys, un officier maniant la plume avec autant de vigueur que l'épée, vient de publier,